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Français du monde. Haïti : dix ans après le séisme, un pays à la dérive

 Le 12 janvier 2010, un séisme de magnitude 7 frappait Haïti, tuant 200 000 à 300 000 personnes, et laissant la capitale Port-au-Prince exsangue. Dix ans plus tard, la reconstruction du pays reste à venir. Haïti s’est enlisée dans une crise politique et sécuritaire sans précédent. 

Article rédigé par franceinfo, Emmanuel Langlois
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Jacques Marie à Port-au-Prince "Après le séisme, les ONG se sont multipliées à outrance mais cela n'a pas été suffisant pour sortir la population de son état délabrement" (Photo Marie)

La secousse n'a même pas duré une minute, mais elle a détruit toute la ville de Port-au-Prince comme un château de cartes. Ce soir-là, Jacques Marie est chez lui, sur les hauteurs de la capitale. "La maison a commencé à trembler comme dans un shaker ou un hélicoptère, témoigne-t-il. Le plus terrible, c'était les cris de mort de tous les habitants qui hurlaient. Leurs voix montaient jusqu'à nous à chaque petite secousse." 

Un immeuble du centre de Port-au-Prince après le séisme. Les étages se sont effondrés les uns sur les autres (Photo Jacques Marie)

Dix ans après, tout reste à faire, ou presque

"Il n'y a pas eu beaucoup de reconstruction, constate M. Marie, plusieurs ministères, quelques petits immeubles mais on voit toujours les stigmates du tremblement de terre : des maisons fissurées et des ruines dans lesquelles les gens vivent. Il n'y a pas eu de plan. Le palais national non plus n'a pas été reconstruit." 

Dix ans après le séisme, le palais national effondré de Port-au-Prince n'a toujours pas été reconstruit (Photo Jacques Marie)

Le plus grave, renchérit Milena Sandler, c'est qu'on n'a absolument pas tiré les leçons du drame qui a fait autour de 300 000 victimes : "90 % des constructions post-tremblement de terre l'ont été sans permis de construire ! Le gouvernement n'a mis en place aucune surveillance, ni aucune supervision. Il faut que quelqu'un empêche ça. C'est la faute de l’État mais aussi de chaque Haïtien qui n'apprend pas et n'a pas de mémoire." 

Une école de Port-au-Prince effondrée lors du séisme du 12 janvier 2010 (Photo Jacques Marie)

Directrice d'une agence de communication, mariée à un Haïtien, la Française organise depuis 14 ans le festival international de jazz de Port-au-Prince, dont Dee Dee Bridgewater fera l'ouverture la semaine prochaine, le 18 janvier. Répartis dans 12 lieux différents, 85% des 40 concerts sont gratuits.  

Milena Sandler à Port-au-Prince "90 % des constructions post-tremblement de terre l'ont été sans permis de construire ! Le gouvernement n'a mis en place aucune surveillance ni aucune supervision" (Photo NADIA TODRES)

Squelette de pierre  

En 2010, la communauté internationale avait promis ou versé des milliards de dollars pour reconstruire Haïti. Beaucoup se demandent où est allée toute cette aide.

"Comme dans les catastrophes naturelles, l'argent arrive, les ONG se sont multipliées à outrance, mais cela n'a pas été suffisant pour sortir la population de son état de délabrement. Beaucoup d'argent a disparu dans les poches de personnes qui ont profité de leur position pour se faire des fortunes personnelles", estime Jacques Marie.

Un bidonville effondré sur les hauteurs de Port-au-Prince après le séisme du 12 janvier 2010  (Photo Jacques Marie)

Après plusieurs mois de paralysie totale des activités, l'économie haïtienne est entrée en récession en 2019, selon le FMI. Fait inédit, entre fin août et début décembre, les écoles du pays ont même fermé pendant plusieurs mois.

"La gouvernance est difficile à mettre en place, analyse Jacques Marie. La plupart des élus ne sont pas formés pour faire de la bonne politique et prendre en main le destin du pays. Il faudrait une tutelle. Tous les efforts des États-Unis et de la France n'ont pas porté leurs fruits."

La résidence de l'ambassadeur de France à Port-au-Prince n'a pas résisté au séisme du 12 janvier 2010  (Photo Jacques Marie)

Gangs armés à Port-au-Prince

Alors que le tourisme avait commencé à redécoller jusqu'en 2017, Haïti s'enfonce depuis dans la violence, avec des gangs armés qui tiennent les quartiers de Port-au-Prince.

"Il faudrait qu'on arrête d'avoir autant de corruption, suggère Milena Sandler. Dans un pays où les gens n'ont pas à manger et pas de travail, avec autant d'injustice et de différence de traitement, c'est normal d'en arriver là. C'est catastrophique."

Un immeuble effondré du centre de Port-au-Prince lors du séisme du 12 janvier 2010 (Photo Jacques Marie)

10 ans après le séisme, le nouvel hôpital de Port-au-Prince est toujours en construction et les ruines de la cathédrale Notre-Dame restent un squelette de pierres, éventré, ouvert à tous les vents. Difficile de trouver de quoi nourrir l'espoir. La population haïtienne est réputée accueillante et sympathique, mais cela ne suffira sans doute pas à remettre le pays debout.   

Écrire à Jacques Marie : jacq.marie@gmail.com  

Écrire à Milena Sandler : milena@papjazzhaiti.org

Une image du festival PAP Jazz 2019. Répartis dans 12 lieux différents, 85 % des 40 concerts sont gratuits (Photo JOSUE AZOR)

Aller plus loin

Le PAP Jazz, festival international de jazz d'Haïti

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