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Français du monde. La Pologne renoncera-t-elle un jour au charbon ?

En marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York, Emmanuel Macron invitait les jeunes à aller aussi manifester en Pologne pour le climat. Est-ce vraiment le pire pays d'Europe en matière de réchauffement ? Comment l'accompagner vers la transition écologique ? Des Français s'y emploient. Reportage à Varsovie. 

Article rédigé par franceinfo, Emmanuel Langlois
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Frédéric Faroche, directeur de Véolia : "On a prévu d'ouvrir cette année à Varsovie notre propre centre de formation en Pologne"  (Photo Emmanuel Langlois)

Le pays a beau avoir accueilli fin 2018 la COP24, pas évident pour autant de lui faire tourner la page du tout-charbon, qui fournit plus de 80% de l'électricité. Présent en Pologne depuis plus de 20 ans, Veolia accompagne les autorités vers une transition écologique qui avance à petits pas. Le groupe français doit aussi composer avec une pénurie de main-d’œuvre, récurrente ici depuis des années.

Le centre moderne de Varsovie. (EMMANUEL LANGLOIS / FRANCE INFO)

La grande fierté de Frédéric Faroche, c'est le réseau de chaleur de Varsovie, la capitale, 1 500 kilomètres de tuyaux d'eau chaude que les ingénieurs maison ont réussi à rendre intelligent. "On l'a équipé de capteurs dans tous les points de livraison et d'instruments de pilotage à distance, afin de perdre le moins d'énergie possible dans le pompage et le transport, détaille le directeur pays de Veolia en Pologne. On a réglé d'abord le problème des fuites, puis on a géolocalisé et rationalisé l'emploi des brigades chargées des opérations de maintenance".  Résultat : 13 millions d'euros d'investissement, et l'économie chaque année de la dépense énergétique d'une ville de 60 000 habitants !

Le centre historique de Varsovie. Avec une économie au beau fixe depuis quinze ans et une hausse moyenne des salaires de 7 % chaque année, la Pologne vit grâce aux subventions européennes. (Photo Emmanuel Langlois)

Moins d'énergie, c'est moins de charbon consommé et moins de CO2 et autres particules rejetés dans l'atmosphère. C'est du jamais vu pour un réseau de cette taille, le plus important en Europe après Moscou. Le groupe a d'ailleurs été primé et récompensé pour ce projet. L'idée est d'ailleurs de dupliquer cette réussite dans d'autres pays du monde.

Veolia dessert au total trois millions de personnes en Pologne

"Nous devons être capable de capter des sources d'énergie jusqu'alors non utilisées, comme celle produite par les data centers (centres de données informatiques, ndlr) ou la chaleur fatale de certains process industriels, prévoit Frédéric Faroche. Il faut aussi améliorer la performance des bâtiments, gros consommateurs d'énergie".

Ainsi, depuis 2016, la fonderie du site Volkswagen de Poznan alimente le réseau de la ville grâce à la chaleur dégagée par la production d'air comprimé. Veolia Pologne est un actif majeur du groupe pour son secteur énergie puisqu'elle représente 20% du total de l'activité dans le monde.

Le stade national de Varsovie est le plus grand stade polonais multi-usages. Il a été édifié sur la rive droite de la Vistule. Sa façade évoque le drapeau national de la Pologne flottant dans l'air (blanc et rouge). (Photo Emmanuel Langlois)

Son propre centre de formation

L'autre enjeu, pour le groupe français, c'est donc d'inciter le gouvernement à réduire son utilisation des énergies fossiles. "D'ici l'an prochain, le pays devrait être en capacité de produire 18% d'énergies renouvelables, grâce à l'éolien et à la biomasse essentiellement", assure M. Faroche. Mission délicate quand on sait que le secteur du charbon, notamment l'extraction, emploie aujourd'hui 100 000 personnes en Pologne.

À plus long terme, sur le traitement des déchets, le défi sera de maximiser leur valorisation en privilégiant leur recyclage. Enfin, sur l'eau, il s'agira d'améliorer l'efficacité des installations en recherchant des synergies avec d'autres activités.

Aujourd'hui, la Pologne est en situation de plein emploi, avec une croissance solide qui ne se dément pas depuis 10 ans. Avec ses 4 500 salariés à renouveler régulièrement et 1,33 milliard d'euros de chiffre d'affaire dans les réseaux de chaleur de 45 villes, Veolia, comme les autres acteurs, peine à recruter.

Le nouveau quartier branché de Praga à Varsovie, sur la rive droite de la Vistule, un des seuls à ne pas avoir été détruit pendant la guerre. On y trouve d'anciens hangars industriels (ou distilleries de vodka) transformés en restaurants et galeries de tous genres. (Photo Emmanuel Langlois)

Les services économiques de l'ambassade de France à Varsovie estiment que la pénurie de main-d’œuvre, en particulier dans le BTP, pourrait coûter à la Pologne jusqu'à 1% de croissance. Surtout si les travailleurs arrivés d'Ukraine continuent de filer vers l'Allemagne, où les conditions de vie et les salaires sont meilleurs.

Présent depuis la grande vague de privatisations des années 90, le groupe français finance déjà deux classes à l'université et ne compte pas s'arrêter là : "On a prévu d'ouvrir cette année à Varsovie notre propre centre de formation aux métiers traditionnels de mécanicien et d'électricien, deux professions délaissées par les jeunes au profit de l'informatique par exemple, explique M. Faroche. On doit embaucher 200 à 250 personnes dans ces métiers-là chaque année, et on doit être proactifs pour trouver".

Veolia mise aussi sur la polyvalence, comme en France, alors qu'en Pologne les filières sont organisées "en silo", sans vraie flexibilité ni possibilité d'évolution d'un métier à l'autre.

Lui écrire : frederic.faroche@veolia.com

Un immeuble dans le centre de Varsovie. La Pologne, pointée du doigt par Emmanuel Macron sur sa politique climatique, est le deuxième plus gros producteur de charbon en Europe, derrière l'Allemagne. (Photo Emmanuel Langlois)

Aller plus loin

Retrouvez cette chronique dans le magazine et sur le site internet de la mobilité internationale Français à l'étranger.fr

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