Discours présidentiel du 14 juillet : entre tradition et audace
Il y a quelques semaines, François Hollande a caressé un rêve fou : transformer son intervention prévue le 14 juillet en grande fête nationale à l’occasion de la victoire des Bleus en finale de la Coupe du Monde. On sait, bien sûr, que ce rêve a fait long feu. Si la France n’a pas été humiliée, comme le Brésil de Dilma Roussef encore cette nuit, du moins François Hollande a-t-il du revoir ses ambitions à la baisse. Demain, il va devoir se montrer rassembleur et positif – sans l’aide du football.
Il faut dire que l’exercice est toujours délicat. L’intervention du président de la République le 14 juillet est une tradition, sous la forme d’une allocution solennelle ou d’une interview plus libre.
Il faut d’abord rompre avec les vœux du 31 décembre, une intervention compassée, figée, toujours un peu artificielle depuis la IIIe République.
Le Général de Gaulle a fait des vœux présidentiels, grâce à l’essor de la télévision, un temps fort de la sacralisation de la fonction présidentielle. Solennité, sobriété. Les règles sont figées avec lui – elles ne varieront guère. Même si elles sont parfois décalées. En 1967, De Gaulle prédit une année sans secousse – quelques mois avant mai 68 ! Quant à Valéry Giscard d’Estaing, il apparaît au coin du feu, à côté d’un bouquet de fleurs… et laisse même sa femme, Anne-Aymone, dire quelques mots ! Au risque du ridicule.
François Mitterrand renoue quant à lui avec les interventions régaliennes et s’exprime en majesté. C’est peut-être l’un des problèmes de l’expression présidentielle.
Contrairement au Premier ministre qui peut s’exprimer partout – et d’abord à l’Assemblée nationale –, le Président de la République française a cette particularité d’être confiné et contraint par des allocutions formelles. Il n’a pas de « State of the Union Adress » que prononce chaque année en janvier le président américain, moment solennel mais aussi programmatique. Nicolas Sarkozy avait vu juste en proposant un nouvel exercice à Versailles, devant les deux chambres, pour sortir du rituel et imprimer sa marque. Mais son inconstance, puisqu’il n’a fait qu’un seul discours de ce type, et les coûts pharamineux de l’opération, l’ont renvoyé aux oubliettes.
Pour son intervention du 14 juillet demain, François Hollande a eu les mêmes hésitations que ses prédécesseurs entre le choix du classicisme et celui de l’audace. Chaque président s’est cherché – et François Hollande comme les autres. S’il ne peut pas faire du Obama ; il ne fera pas non plus du Sarkozy.
Une petite phrase d’un hollandiste–canal–historique, Jean-Yves le Drian, n’est pas passée inaperçue ce week-end : "Hollande sera en situation d’être candidat en 2017 ", a dit le ministre de la Défense. Et c’est justement ce que le président va tenter de montrer. C’est là en fait que se situe son audace. Il va mettre en cohérence son quinquennat et dresser des perspectives pour 2015 et 2016. Après les grandes réformes économiques structurelles, Hollande se prépare à annoncer pour 2015 les réformes de la vie quotidienne, celles qui vont changer la vie des Français. Selon son entourage, le président devrait évoquer demain la lutte contre les monopoles (les professions réglementées), confirmer la généralisation de la gratuité du tiers payant, et s’intéresser aux petites retraites. Le pouvoir d’achat des Français devrait être sa priorité pour 2015. Hollande va faire du Montebourg ! Comme quoi la sortie de son ministre de l’économie, jeudi, était mieux bordée qu’on ne l’a dit.
Et puis déjà, se dessine 2016 : la Cour de Justice de la République sera supprimée, le débat sur le droit des votes des étrangers relancé et on peut même imaginer une dose de proportionnelle. Hollande entend montrer qu’il sait où il va jusqu’en 2017. Qu’il y a un pilote dans l’avion « France » : et que ce pilote c’est lui. La France n’a pas de Coupe du Monde, mais elle a des idées. C’est par les idées justement, davantage que par la forme, qu’il va tenter de convaincre demain.
Enfin, et en creux, en mettant l’accent sur la justice, comme sur les étrangers, ou le pouvoir d’achat, François Hollande veut aussi répondre à Nicolas Sarkozy, son concurrent d’hier et peut-être de demain.
Comme le disait Jean-Yves Le Drian, Hollande se place en situation d’être candidat en 2017. Si on avait des doutes sur ce point, l’intervention du 14 juillet devrait les dissiper.
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