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1914-1918, franceinfo y était. 3 mars 1918 : La "paix honteuse"

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "La "'paix honteuse"".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Hervé Toutain
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les Soviétiques sont venus rencontrer les Allemands dans la petite ville de Brest-Litovsk, près de la frontière polonaise. (©)

Il n’y a plus de front à l’est. Le nouveau pouvoir russe vient de signer une paix séparée avec l’Allemagne. Les Soviétiques sont venus rencontrer les Allemands dans la petite ville de Brest-Litovsk, près de la frontière polonaise, et ils ont signé une paix très lourde et c’est ce que tout le monde redoutait à Paris, Londres, Rome ou Washington. Hervé Toutin, vous êtes à Brest-Litovsk : cette fois c’est vraiment fini entre Russes et Allemands. On a du mal à y croire, et pourtant cette signature a eu lieu presque sous vos yeux…

La vieille citadelle n’avait sans doute jamais connu pareil spectacle. Qu’on en juge : d’un côté, la parade chamarrée des généraux du Kaiser Hoffman et Ludendorff, la fine fleur de la Prusse militaire ; de l’autre, de parfaits inconnus, trois bolcheviks sans autre uniforme que des bottes de feutre, des blousons, des casquettes de cuir. Leurs noms, Sokolnikov, Tchitcherine et Petrovski, ne vous diront rien, et pour cause ! Il n’y a pas eu de salut, pas d’honneurs rendus. Les vieux pavés n’ont reflété que des visages fermés, hostiles. Jusqu’au bout, la tension est restée palpable.

Les lourds nuages qui flottent au-dessus de Brest-Litovsk ont alors lâché quelques gouttes, le mouvement contraint s’est amorcé : négociateurs allemands et russes ont pénétré dans la grande salle du bâtiment. Rien n’a filtré de la rencontre historique dont les journalistes étaient exclus. Une certitude cependant, il n’y a pas eu à proprement parler de négociations : les exigences allemandes étaient à prendre ou à laisser ! La paix est donc signée, sans attendre et sans commentaire. Les négociateurs mandatés par Lénine ont regagné la Russie des soviets. La victoire aujourd’hui est allemande.

On peut donc parler de pax germania. À quel prix exactement ?

Pour les bolcheviks, il est exorbitant : la Russie se trouve amputée de la Pologne, d’une partie des Pays baltes, de la Finlande et surtout de l’Ukraine, qui est son grenier à blé, sa mine de charbon et sa forge. Le nouveau pouvoir soviétique se voit en outre infliger une amende de guerre de 10 milliards de marks-or.

La Russie hors jeu, c’est aussi la possibilité pour l’Allemagne de prélever à l’est les divisions qui lui manque à l’ouest face à la France et à ses alliés. Ce n’est pas pour déplaire à Lénine e à ses compagnons… Peu leur chaut finalement la victoire ou la défaite de l’Entente, l’important est de maintenir le chaos. La guerre qui dure favorise, pense-t-il, la contagion révolutionnaire dans toute l’Europe. Perdre du terrain pour gagner du temps, c’est la stratégie du leader bolchevik.

Pourtant, on sait qu’il y a eu beaucoup de débats entre les chefs de la révolution…

Ce furent des débats de pure forme… La réalité, c’est que depuis la première révolution de février, l’armée russe est débandée, ses soldats désertent par milliers pour regagner leurs foyers. L’erreur de Kerenski, le chef du gouvernement provisoire, a été de vouloir maintenir la Russie dans la guerre, et ce fut sa perte.

Les bolcheviks savent leur pouvoir vulnérable, les villes ne sont plus approvisionnées, la colère monte, la famine fait son apparition. De l’autre côté de l’Oural, les forces blanches s’organisent sous la bannière de Koltchak, Dénickine et Wrangel. Dans ces conditions, quelle était l’alternative  ? Poursuivre une guerre révolutionnaire comme le voulait Boukharine, mais avec qui ? Et surtout avec quoi ? Un état de ni guerre ni paix, ou la révolution permanente selon Trotski. C’est oublier que les troupes allemandes sont aux portes de l’ancienne capitale impériale, Saint-Pétersbourg. Dans ces conditions, Lénine n’a eu aucun mal à imposer la voie de la survie.

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