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Histoires d'info. Le prix Sakharov, en hommage à un grand militant des droits de l'homme

Le prix Sakharov, qui a été attribué jeudi à l'Assemblée nationale du Venezuela, est un héritage de la guerre froide. 

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le dissident et prix Nobel de la Paix, Andrei Sakharov. Derrière lui le président soviétique Mickhaïl Gorbachev, à Moscou, le 12 décembre 1989 (VITALY ARMAND / AFP)

Le Parlement européen a décerné jeudi 26 octobre son prix Sakharov 2017 "pour la liberté de l'esprit" à l'Assemblée nationale du Venezuela. Le prix Sakharov est un héritage de la guerre froide. 

Andrei Sakharov c’est d’abord un très grand scientifique, un physicien qui se trouve être le père de la bombe H russe, obtenue en 1953 par l’URSS, avancée scientifique majeure mais aussi évidemment très politique, dans le contexte de la course aux armements entamée avec les Etats-Unis dans le contexte de la guerre froide. C’est d’ailleurs le terrible Beria, le chef des services secrets soviétiques, qui avait imposé à Sakharov d’abandonner la recherche fondamentale pour se consacrer exclusivement à la bombe H après sa thèse.
Mais bien entendu ce n’est pas ce Sakharov là que le Parlement européen a voulu honorer en lui donnant le nom du prix remis chaque année depuis 1988 pour récompenser : "Les individus ou des organisations qui ont œuvré pour les droits de l'homme et la liberté d'opinion."

Le dissident de l’URSS a pu dénoncer les dérives liberticides de son pays 

Parallèlement à sa carrière scientifique, comme un Einstein avant lui, Sakharov s’inquiète de l’arme nucléaire et de la puissance du complexe-militaro industriel soviétique et se fait de plus en plus critique envers le régime. Une URSS ultra militarisée est un danger pour le monde. Puis il se mobilise pour les droits de l’homme, notamment inspiré par son épouse, Elena Bonner avec qui il crée au début des années 1970 le Comité pour la défense des droits de l'homme et la défense des victimes politiques.
En France, au nom du PCF, Georges Marchais accueille avec ironie ces critiques, et celles de Soljenitsyne, qu’on entend de plus en plus en occident en 1973 et en 1974 : "Durant ces mois de juillet et d'août, nous avons tenu une campagne délirante. Je pense qu'il s'agit là d'une campagne orchestrée, qui témoigne de l'inquiétude qui règne dans les milieux les plus réactionnaires."

En 1975, le comité Nobel rend hommage à Sakharov en lui décernant le prix nobel de la Paix

Privé de visa, Sakharov ne peut venir chercher son prix. Un prix qui l’encourage. Il se fait de plus en plus véhément dénonçant "un régime bureaucratique qui néglige la justice sociale". Mais il devient un véritable symbole en Occident et en Europe de l’Ouest plus particulièrement au début de l’année 1980. France Inter, le 22 janvier de cette année-là : "On se démande ce soir si l'URSS ne provoque pas sciemment l'opinion internationale. Après le vent de tempête soulevé par l'intervention armée en Afghanistan, c'est aujourd'hui la dégradation et l'assignation à résidence d'Andrei Sakharov, académicien, prix Nobel de la Paix, chef de file des dissidents en URSS. Andrei Sakharov est aujourd'hui en exil à Gorky."

Exilé à Gorki, ville interdite aux non-soviétiques, le couple Sakharov, coupé du monde, devient le symbole de l’arbitraire soviétique et de la liberté bafouée. Tout juste apprend-on une grève de la faim d’Andrei, mais on ignore les autres, Sakharov est même peut-être mort. Son exil s’achève en 1986, dans le mouvement d’ouverture voulue par Gorbatchev. Réhabilité en 1988 par le régime, Sakharov est choisi par le parlement européen pour être l’incarnation du prix. Né un an avant la naissance de l’URSS, Sakharov n’en verra pas la fin : il meurt en décembre 1989 en pleine rédaction d’un un projet de constitution pour l'URSS, une constitution évidemment basée sur les Droits de l'homme.

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