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Histoires d'Info. Parachutage politique : gare à l'atterrissage !

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des parachutistes lors d'un air show à Minsk, en Ukraine en 2014. (SERGEI GAPON / AFP)

Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a annoncé mercredi 10 mai qu'il se présentait à Marseille aux législatives des 11 et 18 juin prochain. Ce parachutage politique fait des vagues. Les critiques fusent. Il s'agit pourtant d'une pratique très courante dans la vie politique française.

1946 : Mitterrand dans la Nièvre

Sans remonter jusqu'au "parachutage" d'Alphonse de Lamartine en 1848, revenons en septembre 1976. TF1 propose un portrait du chef de l'opposition, un certain François Mitterrand, entouré de citoyens ordinaires à Château-Chinon, dans la Nièvre, ville dont il est le maire depuis 1959. " Je ne suis pas de Paris, j'habite à Paris. Et mon approche des Français de Paris est finalement une approche un peu abstraite, explique alors François Mitterrand devant la caméra. Tandis que quand je suis dans le Morvan, et en particulier à Château-Chinon, je vois des hommes qui travaillent, je sais de quoi ils travaillent, je sais quand ils ont fini leur travail ce qu'ils font, comment ils se distraient, discuter, faire du sport ou se promener." À l'écouter, ce serait le contraire d'un parachutage. Un lien ancien, profond et intime entre un homme politique et un territoire. Un lien qui lui permet de tisser des relations étroites avec ses administrés et par conséquent, dans l'imaginaire collectif, d'être un bon élu.

Et pourtant, il s'agit bien d'un parachutage dans les règles de l'art. Revenons 30 ans en arrière, en juin 1946. Mitterrand est écrasé lors des législatives dans une circonscription de l'ouest bourgeois de Paris. En novembre de la même année, nouvelles législatives, Mitterrand cherche alors un point de chute gagnable. "Allez dans la Nièvre, on vous propose un poste, il n’y en a pas", lui lance alors Henri Queuille, chargé des questions électorales du Parti radical. "Mais je n’y connais personne, j’y suis inconnu", répond François Mitterrand. "Justement, vous n’y avez point encore d’ennemi", réplique Henri Queuille. François Mitterrand débarque 15 jours avant le vote pour finalement l'emporter dans ce département historiquement à gauche.

1988 : Kouchner est "descendu trop doucement"

Il y a cependant des parachutages qui ne se passent pas aussi bien. Nous avons retenu ici un exemple emblématique d'un parachutage raté. Il s'agit d'un expert en la matière, Bernard Kouchner. Très populaire, il vient juste d'être nommé secrétaire d'État du premier gouvernement de Michel Rocard. Il est parachuté dans le Nord, dans le Valenciennois, pour les législatives de juin 1988. Il est écrasé par le communiste Alain Bocquet, natif de la région. Kouchner s'en amuse dans L'Oreille en coin, sur France Inter, en décembre 1988. "Il paraît que cela ne s'est pas très bien terminé", lui demande la journaliste. "Non, répond Bernard Kouchner, c'est-à-dire que cela a marché mais ce n'est pas moi qui ai été élu, c'est l'autre."

Un autre journaliste revient à la charge : "Le parachute n'était pas assez...", commence-t-il, lorsque le candidat malheureux le coupe : "Le parachute était tout à fait bien arrimé mais je suis descendu trop doucement à mon avis." "Vous voulez dire que vous n'êtes pas encore arrivé en bas ?", questionne la journaliste. "Non. Je ne m'en suis pas remis en tout cas", répond Bernard Kouchner. "Donc c'est plus facile d'aller en Afghanistan qu'à Valenciennes ?", relance le journaliste. "Beaucoup plus et l'atterrissage est beaucoup plus difficile. Mais c'est ce que je vous disais des migrations : remonter vers le nord est toujours un peu difficile." Cela n'empêchera pas Kouchner de retenter sa chance aux législatives dans d'autres régions : en 1996 dans les Bouches-du-Rhône puis en 1997 en Moselle. A chaque fois, c'est un échec retentissant. 

Un parachutage réussi nous fait bien souvent oublier qu'il s'agissait d'un parachutage. Au-delà de François Mitterrand, il y a eu ceux de Raymond Barre à Lyon, d'Alain Juppé à Bordeaux ou encore de François Hollande en Corrèze. En 1981, voyant ce jeune socialiste prêt à en découdre face à lui sur ses terres, Jacques Chirac dira de lui qu'"il est moins connu que le labrador de Mitterrand".

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