Les impasses de l'instruction morale et civique à l'école
En avril 1961, alors que les blousons noirs déferlent sur la France avec leur cortège de troubles de tout genre, une grande émission de la RTF est consacrée à l'école, et plus particulièrement sur le rôle que celle-ci peut et doit jouer dans la lutte contre la délinquance juvénile.
L'un des invités de ce débat est Célestin Freinet, l'un des plus grands pédagogues français, fervent défenseur d'une nouvelle pédagogie fondée sur l'expression libre de l'enfant.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a un avis plutôt tranché sur la question.
"Nous pensons que l'école doit remplir son rôlé d'éducateur moral et encore plus d'éducation civique !"
Une morale à l'école, certes, mais pas la morale traditionnelle qu'il ne considère pas autrement que comme du "baratin"ce qui est une critique sévère de la morale telle qu'elle est enseignée dans les écoles depuis les lois Ferry de 1882. Celle-ci prenant essentiellement la forme d'un adage, d'une maxime écrite au tableau puis commentée par l'enseignant.
"Un citoyen paie ses impôts sans murmurer
Le travail c'est le bonheur
Je prendrai soin de mes affaires"
Célestin Freinet doute de l'efficacité d'un tel enseignement et il semble un peu devin car la morale disparaît progressivement après mai 1968, accusée d'être inutile, et également d'être nocive pour l'enfant.
C'est le sens d'un arrêté de 1977 s'insurgeant d'une morale qui soit
"un dressage qui par divers modes plus ou moins subtils de conditionnement, induirait des conduites dont la signification et la justification échapperaient à l'enfant prisonnier du conformisme qu'elles instaurent ."
Les mots sont forts, et ils signent l'acte de décès de la morale à l'école, qui laisse toute la place à l'éducation civique, une éducation à la citoyenneté, qui devient en 1985 une matière à part entière, obligatoire et avec un horaire spécifique. C'est un souhait du ministre de l'Éducation Jean-Pierre Chevènement mais ce retour ne se fait pas du jour au lendemain. C'est d'abord le primaire qui en hérite à la rentrée 1985, puis le collège en 1986, avant le lycée en 1999.
Toutefois, les débats actuels sur le retour de la morale laïque à l'école, pourtant présente dans les programmes du primaire depuis 2008, montrent l'échec de cet enseignement.
C'est peut-être parce que le problème est ailleurs. Pour l'éducation civique et morale soit efficace, ne faudrait-il pas que la République soit elle-même d'abord irréprochable ?
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