Ils ont fait l'actu. Clara Dupont-Monod, écrivaine comblée quoique très occupée

25 octobre 2021, Clara Dupont-Monod reçoit le prix Fémina pour son roman S'adapter publié aux éditions Stock. Le livre sera aussi couronné du prix Landerneau des lecteurs et du Goncourt des lycéens. S'adapter est un récit autobiographique et sensible qui raconte avec justesse comment une famille des Cévennes, et en particulier une fratrie, s'adapte à l'arrivée d'un petit frère handicapé. 

"C'est un groupe de gens, les adolescents en particulier, avec une vraie sensibilité. Ils disent en creux (avec ce prix), cette différence que vous avez écrite, Non seulement on l'accepte, mais on l'a choisie quelque part, on décide de l'aimer. Et ça, pour un auteur, c'est renversant", a-t-elle réagi lors de la tournée pour le Goncourt des lycéens.

Quelques mois après cette moisson de prix, Clara Dupont-Monod commente avec sérénité et humour le succès en librairie, les rencontres intenses avec les lecteurs et sa longue tournée aux quatre coins de France. "Vous vivez dans un TER, vous connaissez par cœur les sandwichs en triangle des gares. Vous êtes incollable sur les correspondances, Vos enfants vous appellent 'Madame' parce qu'ils ne vous voient plus. Votre mari, vous espérez qu'il ne partira pas avec une jeune étudiante de 19 ans et demi. Et vous, vaillamment, vous rencontrez vos lecteurs. Après, ça arrive une fois dans une vie. Et les gens, quand ils viennent devant vous, ils sont avec leur bagage émotionnel et ils n'ont pas peur de le poser sur votre table et de vous dire voilà ce que moi j'ai vécu et c'est extrêmement enrichissant", déclare Clara Dupont-Monod.

"Chacun met dans un texte ce qu'il y a de retentissement avec son histoire intime. C'est extrêmement bouleversant."

Clara Dupont-Monod

à franceinfo

Quelques mois après avoir reçu ses trois prix, l'auteure dit être dans un état amoureux par rapport par rapport à son roman et ne pense pas à celui d'après. "C'est un peu comme dans une rencontre amoureuse, où vous êtes tellement dans la saveur de ce qui vient de se produire. Quand vous êtes amoureux, vous savez si on vous met un super beau gars, drôle, intelligent, vraiment impeccable, vous ne le voyez même pas parce que vous avez le cœur plein à ras bord de quelqu'un. Et bien là, c'est pareil en tant qu'écrivain. Moi, j'ai le cœur plein à ras bord de ce texte-là, de S'adapter. Je suis très heureuse que ça se soit passé avec ce texte-là. Ça, c'était important. Ça couronne aussi un chemin de patience, de lenteur", dit Clara Dupont-Monod.

La vie de Clara Dupont-Monod a un peu changé

La reconnaissance, le succès du livre en librairie, elle s'amuse de ce que cela a changé concrètement : "Je vais pouvoir rafistoler un peu la maison familiale des Cévennes qui prend l'eau et qui est quand même très vieille. Je voudrais faire un grand voyage familial loin, du genre en Asie. Le genre de voyage qui coûte un oeil", plaisante-t-elle.

Le succès n'enlève pas "le fond d'intranquilité" de l'écrivain, parce que "écrire un livre, c'est tellement difficile, c'est personnel. Ça demande tellement de temps et d'investissement que de ce côté-là, je pense que ça ne change pas grand-chose. Vous pouvez ne penser qu'à un paragraphe pendant des jours et des jours. Vous pouvez avoir le moral à zéro parce que vous ne trouvez pas le mot juste. Donc ça, je pense que ça ne changera pas et d'ailleurs j'espère que ça ne changera pas", dit Clara Dupont-Monod.

Ce roman a une résonance plus forte avec son histoire personnelle dont elle ne fait pas mystère : "On a eu un enfant handicapé dans la famille. Il est mort, il avait une dizaine d'années. Moi, j'en garde un souvenir extrêmement heureux. Donc, bien sûr, c'est connecté à une expérience autobiographique beaucoup plus directe que sur les textes que j'ai pu faire autour du Moyen Âge."

"Je me demande si c'est forcément parce que ça a été "vécu" que ça touche les gens ? Je n'en sais rien."

Clara Dupont-Monod

à franceinfo

Mais elle s'interroge aussi sur le lien entre la part autobiographique de ce roman et la manière dont les lecteurs ont reçu le roman. "C'est là ou vous dites il y avait quand même toute une réalité un peu sociétale, toutes ces fratries qui ont dû composer avec un frère ou une sœur différent, toutes ces familles qu'on n'entend jamais, qu'on ne voit jamais, qui rament dans l'ombre, pareil pour toutes ces professionnels de santé, que l'on entend et que l'on ne voit jamais et qui sont hyper endurants. Et voilà qu'un livre parle de ce qu'ils connaissent : la différence, le soin, la tracasseries administratives dont la France a le secret, la non-inclusion. Tout ça, brusquement, un livre l'aura mis en lumière. Et donc là, il y a un partage d'expérience, il y a un écho. Et donc, la littérature, elle fait le job", commente Clara Dupont-Monod.

Ecrivaine et éditrice, pendant les vacances, elle emporte une valise remplie de livres, d'auteurs de non-fiction et d'autres livres pour son plaisir. L'été dernier, elle a redécouvert Thérèse Raquin, roman d'Émile Zola publié en 1867. Un jeune premier qui mériterait plein de prix littéraires, raconte-t-elle en riant.