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Ils ont fait l'actu. Estelle Youssouffa, députée Liot de Mayotte, lance "un appel au secours" à l'État

Estelle Youssouffa, députée de Mayotte, estime que les maux de Mayotte sont principalement liés à l'immigration illégale.
Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié
Temps de lecture : 95 min
Estelle Youssouffa, députée Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

Le 21 novembre 2022, face à un nouveau week-end de violence, le ministère de l'intérieur annonce l'envoi du raid, l'unité d'intervention d'élite de la police dans l'archipel de l'océan indien. Les mahorais vivent avec cette insécurité depuis des années, dans l'indifférence générale selon la députée de Mayotte Estelle Youssouffa, mais dit-elle, "un cap a été franchi dans la barbarie, des voyous découpent des gens à la machette et déposent des morceaux sur les bords des routes."

Dans l'hémicycle, Estelle Youssouffa est reconnaissable à son écharpe colorée avec des fleurs d'ylang-ylang, l'emblème de son île. Avant d'être députée du groupe Liot, elle a été journaliste télé, puis est devenue militante et porte-parole du collectif des citoyens de Mayotte. En 2018, il mène la contestation sociale qui paralyse l'îe pour déjà dénoncer l'insécurité et la vie chère. Elle est élue députée l'été dernier et son combat qu'elle exprime abondamment sur les réseaux sociaux reste le même: mettre fin à la violence hors norme dans le territoire. Si Estelle Youssouffa n'est pas à l'origine du mot Wuambushu, elle explique avoir soufflé l'idée de cette opération révélée par le Canard Enchaîné au ministre Gérald Darmanin à l'automne. Objectif: détruire les bidonvilles et s'attaquer à l'immigration clandestine, sources des maux des mahorais selon les élus et la population du département. Wuambushu est lancé officiellement le 24 avril pour deux mois. Elle sera finalement prolongée, un impératif analyse aujourd'hui Estelle Youssouffa

"Wuambushu n'a pas rien fait", résume Estelle Youssouffa mais "dès que Wuambushu s'arrête, la violence reprend." La députée de Mayotte estime encore aujourd'hui qu'il y a "non-assistance à population en danger à Mayotte. 

"Si l'État n'a pas de mesures radicales mais surtout pérennes, on aura simplement des accalmies. Pour nous c'est vraiment un appel au secours parce qu'on est en train de mourir à petit feu."

Estelle Youssouffa, députée Liot de Mayotte

à franceinfo

Estelle Youssouffa décrit longuement l'accalmie de quelques semaines qu'ont apporté la présence des 1 800 forces de l'ordre venues en renfort, "cela nous a permis à nous, mais aussi Mahorais, de vivre normalement pendant plusieurs semaines, ce qui n'était pas arrivé depuis très longtemps. Ça veut dire retourner à la plage, ça veut dire ressortir le soir, ça veut dire aller paisiblement à l'école et ce sont des choses très banales mais qui ont disparu à Mayotte. Cette opération a permis de ramener ça, même si, dès que les renforts sont partis, la violence a redémarré", déclare Estelle Youssouffa. Sur l'objectif de détruire 1 250 bangas – les cases insalubres – d'ici désormais la fin de l'année, énoncé par Gérald Darmanin, "l'objectif du ministre est bien en deçà de l'ampleur du problème. C'est 50 000 habitations illégales et clandestines à Mayotte. Donc ça prouve bien qu'il faut une prise de conscience et puis une mobilisation des moyens à la hauteur", clame Estelle Youssouffa.

"Le problème est maintenant complètement hors de contrôle"

Estelle Youssouffa estime comme une partie de la population mahoraise que les maux de Mayotte sont principalement liés à l'immigration illégale (surtout des Comores voisines), elle se justifie, "ce n'est pas mon constat à moi, c'est le constat de tous les Premiers ministres successifs depuis une dizaine d'années quand ils parlent de Mayotte. La gravité de la crise migratoire à Mayotte, elle, est hors du commun par rapport à ce qui se passe au niveau national. C'est plus de la moitié de la population qui est étrangère, en situation irrégulière, en grande majorité. Après, je sais parfaitement que c'est un débat qui est hautement inflammable, toxique, polarisé, polarisant. Mais moi je ne peux pas oublier ou faire abstraction du problème principal pour Mayotte parce qu'il est phagocyté au niveau national. Je le dis avec d'autant plus de sérénité que c'est l'attitude qu'on a choisie pendant plus d'une décennie à Mayotte, c’est-à-dire justement parce que c'était délicat de ne pas en parler. Moralité, le problème est maintenant complètement hors de contrôle. Alors que tout le monde ait un avis sur la question sans avoir mis un orteil à Mayotte, je comprends bien, que tout le monde soit mal à l'aise par rapport au fait que cette question migratoire soit aussi prégnante à Mayotte, je le comprends aussi. Mais ce n'est pas une solution non plus d'ignorer le problème." Elle rappelle aussi que l'opération Wuambushu est très largement soutenue par tous les élus de Mayotte et la population qui a manifesté à plusieurs reprises en faveur de la tenue de cette opération.

"Les positions que je défends sont partagées. Je pense que les dizaines de milliers de personnes qui se sont déplacées pour soutenir l'opération ont montré à l'ensemble du pays que je ne suis pas une illuminée isolée."

Estelle Youssouffa, député LIot de Mayotte

à franceinfo

Ses détracteurs pointent le fait que son discours est repris et applaudi par des représentants du Rassemblement national, des proches de Marine Le Pen, des personnalités d'extrême droite. Un faux sujet pour Estelle Youssoupha. "Le RN peut parfois relayer mes propos et d'autres fois me vouer aux gémonies sur Twitter,dit-elle, si vous vous arrivez à discerner ce qu'ils pensent de moi ou de Mayotte, si ce n'est que c'est un bon fonds de commerce électoral. Et de fait, madame Le Pen a fait de très haut score à Mayotte. Les uns et les autres veulent me rattacher à ce parti mais je fais partie du groupe Liot. Je pense avoir prouvé en étant candidate indépendante, absolument libre de mes propos, que si je souhaitais être membre du FN, je l'aurais fait. Je n'ai pas de comptes à rendre, si ce n'est à mes électeurs, déclare Estelle Youssouffa. Je me bats avec le verbe et mes convictions pour défendre mes concitoyens", conclut-elle.


L'autre cheval de bataille d'Estelle Youssouffa, la question de l'eau. Des coupures d'eau nocturnes, sept par semaine, sont mises en place dans les villes les plus peuplées de l'île, à cause de la sécheresse. "Ça fait 20 ans que le gouvernement promet des investissements et ne tient pas ses promesses", dénonce Estelle Youssouffa.

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