"A touch of sin", de Jia Zhang Ke
Depuis ses débuts et dans chacun de ses films, de Platform à
Still life en passant par The world , Jia Zhang Ke décortique les mutations
de son pays, le passage quasiment sans transition d'un communisme rigide à un libéralisme
sauvage, et les répercussions sur les plus pauvres, et les plus fragiles. Il
est le cinéaste chinois qui, toujours à
la lisière entre fiction et documentaire, a sans doute le mieux enregistré ces
quinze dernières années l'évolution de la société chinoise, l'injustice, la
précarité, la corruption.
Le cinéaste est loin des représentations idéalisées, c'est
ce qui ne plaît pas vraiment aux autorités, mais c'est aussi ce qui les rend
passionnants.
Il faut dire que A touch of sin est particulièrement violent et désespéré.
Jia Zhang Ke s'est inspiré cette fois de plusieurs faits divers récents dans
son pays pour dessiner quatre portraits, comme autant de symboles. Les
portraits d'un ouvrier révolté, d'un
migrant condamné à voler, d'un jeune homme réduit à enchainer les petits
boulots dans des villes nouvelles déshumanisées, ou encore d'une hôtesse d'accueil
dans un sauna, harcelée. Chacun de ces portraits donne lieu à des scènes
violentes.
Censuré en Chine
Aucun film de Jia Zhang Ke n'a été diffusé officiellement en
Chine et ce sera sans doute encore le cas de celui-ci. Pourtant lors de ces dernières
venues en France, à Cannes ou à Paris plus récemment, Jia Zhang Ke espérait
encore que ce film sorte en salles avant que les autorités ne reculent. Selon
lui, la Chine doit faire face à cette violence qui gangrène la société. Cette
violence qu'il met en scène avec la virtuosité qu'on lui connaît, pour que le
film fonctionne comme un électrochoc.
Malgré la censure chinoise, ce film, comme les précédents,
sera vu en DCD piratés et sans doute à grande échelle. Le cinéaste le dit
souvent : les historiens du cinéma en Chine ce sont les pirates, ceux qui
écoulent les films sous le manteau et qui trimballent de véritables cinémathèques
de rue.
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