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Albums de reprises : l’épidémie

L'approche de Noël provoque des mouvements de panique dans l'industrie musicale : l'occasion de tester toutes les idées marketing, pas toujours les meilleures... La tendance des disques de reprises, par exemple : rarement un exercice réussi.
Article rédigé par Marion Bernard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (Sa jeunesse et La bande à Renaud, deux albums de reprises de cet automne)

Apparition groupée, cet automne, de disques aux titres peu engageants : La Bande à Renaud 2, Adamo chante Bécaud, Autour de Nina (Nina Simone par Olivia Ruiz ou Ben l'Oncle Soul) ou des répertoires encore plus sacrés, celui d’Aznavour, par exemple, avec Sa jeunesse , disque de reprises validées par l'intéressé, avec des idoles catégorie « Jeune public », comme Black M, Matt Houston ou Kendji. Le phénomène se décline de trois façons :

plusieurs artistes chantent les titres d'un nom célèbre ( cas Aznavour, JJ Goldman ou Renaud)un artiste reprend ses tubes en acoustique avec des copains (ambiance Bernard Lavilliers Acoustique)un groupe reprend des titres divers et variés à sa sauce (cas de Tryo, avec le disque Né quelque part qui reprend aussi Bernard Lavilliers -ce qui ne donne pas du tout l'impression de tourner en rond) A quasiment chacune des écoutes de ces disques, un même mot nous vient : pourquoi? Pourquoi nous faire subir ces relectures souvent maladroites, presque toujours inutiles, voire hors propos, en général par une jeune génération qui n'a généralement rien à voir avec l'artiste si ce n'est l'envie de lui rendre un hommage qui tombe à plat?

La bonne opération financière ?

Evidemment, c’est la première réponse, tout le monde veut son Génération Goldman , opération lancée par le biais de MyMajorCompany (dirigée par le fils du discret chanteur), et qui a dépassé cette année le million d'exemplaires vendus avec ses deux volumes. La Bande à Renaud , aussi mal assortie soit-elle, est en passe de devenir aussi un énorme succès de ventes, avec ses deux volumes sorties en juin et octobre, et avec un casting de Bernard Lavilliers à Nicolas Sirkis en passant par Carla Bruni ou Vincent Lindon… tous venus apporter leur touche alors que personne, notemment Renaud lui même, n'avait rien demandé. L'autre excuse, c'est que ce principe de l’album de reprises collégial permet de mélanger les générations, les différents publics. Donc de permettre aux plus jeunes de profiter de la lumière des plus installés, et donc d'élargir le coeur de cible de la clientèle : une sorte d'auto-marketing permanent, souvent fait avec les artistes d'un même label.

Mais cette tendance du disque de reprise a aussi un effet pervers

Résultat néfaste : ces « cover albums » font tourner l'économie du disque en boucle sur les mêmes chanteurs, les plus rentables, et confortent les plus gros labels sur le fait que la création est secondaire, et qu'il n'est plus vraiment nécessaire de signer aussi de nouveaux artistes, avec un "développement" forcément plus couteux. Le phénomène, dans ce secteur en crise, n'est pas prêt de s'arrêter : Bob Dylan vient d'annoncer la sortie de son nouveau disque en février. Shadows in the night est annoncé comme… une compilation de reprises de Frank Sinatra. Vive la nouveauté.

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