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David Grossman fouille nos consciences

Depuis que la France a découvert, assez tardivement, l'écrivain israélien David Grossman, chacun de ses romans est un succès, le dernier, "un cheval entre dans un bar", au Seuil, ne va pas déroger à la règle.
Article rédigé par Florence Leroy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
  (David Grossman © Maxppp)

C'est l'un des incontournables de la rentrée littéraire. Un livre d'une puissance inouïe, qui secoue violemment le lecteur. Comme Avishaï, juge à la retraite débordant de chagrin depuis la mort de sa femme, on s'assoit dans un cabaret minable de la petite ville de Netanhya, pour assister au show d'un humoriste frêle, aux mimiques inquiétantes. Dovalé et Avishaï étaient amis adolescents, ils se sont perdus de vue, un jour Dovalé appelle Avishaï pour l'inviter à assister à son stand up, l'ex-juge y va à reculons.

Le comique est bizarre, ses blagues sont lourdes, il s'en prend souvent au public, mais peu à peu, il raconte sa vie, celle d'un gamin marqué au fer rouge quand, alors qu'il faisait un camp paramilitaire dans le sud d'Israël, il est renvoyé à Jérusalem pour assister aux obsèques de l'un de ses parents. Détail horrible, on ne lui dit pas qui de son père ou de sa mère a perdu la vie brutalement. Le trajet est un enfer, cet enfant perdu, maltraité par les autres se demande sans pouvoir s'en empêcher, qui, de ses deux parents, il préférerait le savoir mort.

Alors que la majorité du public quitte la salle, furieuse de ne pas entendre de blagues, effrayée par le comportement de Dovalé qui se dédouble, se donne des coups, hurle, Avishaï se souvient : Il était avec lui dans ce camp et il l'a trahie, ne l'a pas soutenu, l'a laissé seul rejoindre Jérusalem et les deux ne se sont plus revus depuis. David Grossman, dans un style fulgurant, a écrit un roman qui nous questionne tous. Même si une fois de plus il pointe les travers de la société israélienne, sa dualité maladive, ce texte-là a une portée universelle : dans la société mondialisée du spectacle où la souffrance de l’autre est objet de voyeurisme, l’auteur fait de la compassion le nouveau scandale, celui qui fait fuir les spectateurs de ce stand-up et qui rend terriblement humains ceux qui restent.

"Un cheval entre dans un bar" de David Grossman, aux éditions du Seuil.

  ("Un cheval entre dans un bar" de David Grossman© Le Seuil)
 

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