Photo. Les portraits de Nord-Coréens de Stephan Gladieu aux rencontres d'Arles
C’est une des expositions à voir cet été à Arles aux Rencontres de la photographie. Stephan Gladieu entrouvre les portes très fermées de la Corée du Nord avec une série de portraits de ses habitants, réalisés lors de cinq voyages dans le pays entre 2017 et 2020.
Au jardin d’été à deux pas du théâtre antique, Stephan Gladieu a installé ses portraits grands formats d'habitants de la Corée du Nord. "On parle effectivement du grand leader Kim Jong-Un, de tensions internationales ou d’armes nucléaires mais finalement très peu de ce peuple, explique-t-il. Ils sont 25 millions et c’est eux qui m’intéressaient".
Le photographe est donc allé - sous bonne escorte, il était constamment accompagné - à la rencontre des Nord-Coréens, dans les usines, les commerces, les hôpitaux, les piscines ou les écoles. Il a réalisé des portraits individuels, ce qui n’existe pas en Corée du Nord. Des photos en couleur qui rappellent les images de propagande avec l’humour en plus. "C’était un choix fort dès le départ d’être statique et de reprendre la codification de la propagande : une image frontale, très claire, aguichante presque, colorée, facilement compréhensible. J’ai essayé de jouer avec ces codes en surjouant constamment ce que l’on me donné à voir", indique Stephan Gladieu.
"On m’a censuré en amont"
Parmi ceux qui ont accepté de poser, un client d’un supermarché de Pyongyang : "L’homme qui fait ses courses est assez représentatif de la série, dans le sens où l’on a effectivement ces couleurs très fortes, très chatoyantes, et cette rigidité de cet homme dans son costume sombre. On a ce décorum d’un supermarché moderne parce que l’on ne m’a pas laissé rentré dans les centres commerciaux plus anciens. On a l’impression que tout est faux, il n’y a que des produits secs ou des sodas colorés on est presque dans un décor de télénovela coréenne."
Sur ces photos, symboles d’une société figée, le temps semble s’être arrêté dans les années 1970. Bien que très encadré à chacun de ses voyages, Stephan Gladieu n’a pas été confronté directement à la censure. "Les images n’ont pas été censurées, on m’a censuré en amont, explique le photographe. C’est-à-dire que l’on m’a dit : 'Non vous n’irez pas dans les mines faire des photos des mineurs. Non, vous n’irez pas dans des villages reculés de paysans'. Quand je demandais à mon accompagnant de demander à une personne de pouvoir les photographier il restait stoïque en me regardant et ne bougeait pas."
À Arles, la présentation de ces portraits dans un jardin change évidemment le rapport avec le public. "Le lieu m’imposait de proposer des tirages grands formats. Les personnages sont pratiquement de notre taille. Le rapport avec le Nord-Coréen qui nous regarde, qui regarde le spectateur, je pense qu’effectivement ça change les choses. On est dans un rapport beaucoup plus puissant, quasiment d’égal à égal, que j’appelle moi le 'portrait miroir'. On en apprend presque autant sur eux que sur nous en se retrouvant face-à-face." Avec cette exposition, Stephan Gladieu lève le voile sur le quotidien d’un peuple dont on ignore encore presque tout.
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