30 ans après, retour sur le fiasco médiatique de l'affaire Grégory
C'était le 16 octobre 1984. Grégory Villemin, 4 ans, était retrouvé mort dans la Vologne (Vosges). Le point de départ d'un fiasco judiciaire mais aussi d'un véritable fiasco médiatique.
Un meurtre d'enfant, un corbeau qui crie vengeance, des rivalités de famille. Dès le début, dès les tous premiers jours, le faits divers passionne les médias. "C'est dans cette rivière qu'on a retrouvé le corps du petit Grégory, 4 ans, pieds et mains liés" raconte la journaliste d'Antenne 2 le 18 octobre 1984 dans le tout premier reportage télé consacré à ce qui est devenu l'affaire Grégory. Une musique angoissante accompagne le commentaire, comme si dès le début les médias n'avaient pas pu parler de cette affaire comme de n'importe quelle autre affaire.
3 000 articles de presse
Cette passion médiatique a duré près de 10 ans. Le Nouveau détective, par exemple, y a consacré un tiers de ses couvertures jusqu'en 1994. Au total quelques 3 000 articles entre 1984 et 2014 et des dizaines de reportages ont été consacrés à l'affaire Grégory. Et le manque de nuances est total. La région, tout d'abord, est caricaturée : "La vallée de la honte", titrait l'Express, peuplée de "paysans pervertis murés dans leur silence" selon le Nouvel Observateur.
La presse franchit la ligne jaune
Très vite, les journalistes prennent position et perdent toute distance. Deux camps se forment. D'un côté, ceux qui croient à la culpabilité de la mère, Christine Villemin, qui a finalement été innocentée en 1993. De l'autre, ceux qui croient à la culpabilité du cousin, Bernard Laroche, tué par le père de Grégory. Rebondissements, faux pas de l'enquête... La presse franchit la ligne jaune : certains reporters se font passer pour des gendarmes, on cache des micros dans les armoires, on vole des photos de famille, on monnaie grassement des exclusivités... Et au moment de Noël, un photographe met un carton de jouet sur la tombe de Grégory, histoire de fabriquer "la" bonne image.
Toujours pas de coupable
Depuis, fait remarquable, de nombreux journalistes ont fait leur autocritique. Certains l'ont fait la barre, lors du procès de Jean-Marie Villemin. D'autres y ont consacré des livres, comme la reporter Laurence Lacour, qui a voulu analyser dans "Le Bûcher des innocents " l'embrasement médiatique auquel elle avait participé. L'affaire a marqué durablement la profession et a contribué à mettre en place de nouvelles règles, une distance plus grande entre la presse et l'appareil judiciaire. Elle a aussi montré que le temps de la justice n'est pas celui des médias : 30 ans et 3 000 articles de presse plus tard, l'affaire Grégory n'a toujours pas de coupable.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.