"Les grands entretiens" : "Le monde du sport a besoin d’être valorisé", confie Nathalie Iannetta

La directrice des sports de Radio France anime la collection "Les grands entretiens" sur LCP, où elle donne, chaque dimanche, la parole aux athlètes.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Nathalie Iannetta, directrice des sports de Radio France, le 26 janvier 2023. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Nathalie Iannetta est journaliste et directrice des sports de Radio France depuis 2021. Sur la chaîne parlementaire LCP, chaque dimanche, elle prend la suite de Daphné Roulier, Yves Thréard et Guy Lagache pour animer "Les grands entretiens" avec "Paroles de sportifs". Dans un décor sobre et tamisé, elle reçoit les confidences de sportives et sportifs pour aborder toutes les facettes de leur vie, autant professionnelle que personnelle. Elle évoque avec eux leurs doutes mais aussi leurs joies ou leurs espérances. À six mois des Jeux Olympiques et Paralympiques, elle se confie sur la place des femmes autant dans le milieu journalistique que dans le monde du sport, sur le sport féminin dans le paysage médiatique et sur le choix de franceinfo comme radio Olympique.

franceinfo : Vous voici à la tête de l’émission de témoignages de personnalités : "Les grands entretiens". Ce sont des sportifs que vous allez interviewer puisque le sport est votre domaine, votre passion. Mais n'aimeriez-vous pas en sortir ? Pour cette émission, par exemple, vous n'auriez pas eu envie d'interviewer des artistes, des politiques, des intellectuels ? 

Nathalie Iannetta : Je l'ai fait et je pense sincèrement que le monde du sport a besoin d'être valorisé, d'être mis en avant. Le fait qu'on me demande pour une chaîne parlementaire où il n'y a jamais eu de sportifs interviewés ou mis en valeur, etc. Ça a été oui, immédiatement. Mais pour cette raison-là. C'est un peu logique que ce soit pour des sportifs que j'ai accepté cette collection. 

Ça s'appelle "Paroles de sportifs". C'est le dimanche, 30 minutes d'entretien avec un décor incroyable, sobre. Deux fauteuils, un écran, l’obscurité et vous êtes face à face. Est-ce plus facile de recueillir des confidences dans ce cadre ?

Je crois que cela les met dans une situation de confidence, sachant que ce qui nous intéresse dans ces débats, c'est au-delà des performances qui sont les leurs, leurs parcours, les galères par lesquelles ils ou elles sont passés, les enjeux sur l'après puisqu'il y a aussi des anciens grands sportifs. Donc tout ça dans cette pénombre, ce n'est pas mal. 

Dimanche, ce sera l'ancienne escrimeuse Astrid Guyart. La semaine dernière, c’était la boxeuse Estelle Mossely. Commencer par des femmes, est-ce un hasard ou était-ce une volonté de votre part ? 

Non, ce n'est pas par hasard. Évidemment qu'il était nécessaire de mettre des grandes championnes en valeur. Je trouvais que c'était bien de commencer par ces deux-là, parce qu'elles ont des parcours de vie et des parcours de femmes très similaires et en même temps très différents. Elles n'ont pas beaucoup d'écart d'âge par exemple, mais vous verrez, on se rend compte que sur les questions de la maternité, ce petit écart d'âge, c'est un monde quand on parle de changement de mentalité, etc. 

Elles ne l'ont pas vécu de la même manière ? 

Pas du tout. Astrid a différé son projet de maternité. Elle fait encore partie de cette génération où on ne faisait pas les enfants pendant la carrière : "Tu prends trop de risques, tu vas perdre ta place, tu ne vas pas récupérer ton corps, ta puissance, ta dynamique". Alors qu'Estelle a fait deux enfants, elle est passée du monde amateur au monde pro, puis elle est revenue au monde amateur avant d’aller chercher sa qualification olympique, le tout avec ses garçons. Donc oui, c'est très différent. 

Les compétitions féminines sont aussi moins médiatisées que les masculines, même s'il y en a de plus en plus. Vous-même qui suivez l'actualité sportive depuis pas mal de temps, regardez-vous, sincèrement, autant de compétitions hommes que femmes ? 

Maintenant oui, mais ce n'était pas le cas avant. C'est vrai. Moi, je viens aussi de cette génération où le sport était un monde de garçons, à la fois pour ceux qui le faisaient, pour ceux qui le regardaient et pour ceux qui le racontaient. Aujourd'hui, le chemin est encore immense à parcourir, mais de là où nous partons, je dois avouer que oui, y compris moi, dans ma consommation, dans mon côté supporter, dans les émotions que je vais chercher, mais aussi dans mon travail journalistique, la place que nous consacrons aujourd'hui aux sports pratiqués par les femmes prend de plus en plus d'importance et c'est heureux. 

Votre service des sports à Radio-France est-il paritaire ? 

Pas totalement paritaire, mais depuis que je suis arrivée, j'ai recruté sur trois postes : deux femmes, dont une chef de service adjointe. Ça, c'est une volonté politique. Mais le chemin avait commencé avant moi à Radio France pour faire venir des jeunes femmes et leur donner confiance. Parce qu'en fait, ce n'est pas une question de compétences. C'est aussi ce que nous, les femmes, nous mettons dans ces enjeux-là qui sont particuliers. Le monde du journalisme de sport est spécial. Il faut travailler le week-end, il faut travailler tard le soir, il faut des déplacements parfois loin, longtemps, loin des familles, etc. 

Les femmes acceptent moins que les hommes ? 

Ce n'est pas ça, c'est qu'on se met plus de barrières que les hommes. On se dit : "Est-ce que c'est une bonne idée que je le fasse ? Comment je vais faire avec les enfants ?" Nos confrères se posent moins la question. Donc moi ce que j'aimerais, c'est que nos confrères se posent autant la question et que nous les femmes, nous nous la posions moins. 

Quand vous voyez Michel Drucker remettre en question le documentaire de Marie Portolano sur le sexisme, voire le harcèlement subi par des journalistes femmes, en disant : "Les copains des sports ont vraiment eu des attitudes inconvenantes ?" en insistant sur le "Vraiment". Qu'est-ce que cela vous inspire ? 

Oui, le "Vraiment" ne nous a pas échappé ! Eh bien, qu'il y a encore beaucoup de travail. Et malgré toute l'admiration que je peux porter à Michel Drucker, mon combat, ce n'est pas de le convaincre. Il y a des combats qu’on ne va pas mener parce qu’ils sont perdus d'avance. Alors, c'est plutôt vers les plus jeunes que je me tourne.

"Mon combat, c'est de convaincre des gamins, qui aujourd'hui sont en sixième en cinquième, que quand ils vont arriver sur le marché du travail, quels que soient les postes qu'ils occupent et les métiers qui seront les leurs, qu'ils se comportent bien vis-à-vis de leurs collègues féminines."

Nathalie Iannetta, directrice des sports de Radio France

à franceinfo

Les Jeux Olympiques et Paralympiques arrivent à grand pas. franceinfo sera la radio olympique. Est-ce que cela veut dire que du 26 juillet au 11 août, ce sera une antenne 100 % Jeux ou presque comme va le faire France Télévisions ? 

L'antenne de franceinfo, c'est l'antenne de l'événement. Quoi qu'il arrive et quels que soient les sujets d'actualité. C'est aussi pour ça que c'est franceinfo qui portera le dispositif olympique pendant cette quinzaine. Et ce sera aussi un peu vrai pendant les Paralympiques. Un grand événement sportif écrase assez vite le reste de l'actualité lorsqu'il est organisé à la maison. Au-delà des athlètes et de la compétition sportive, nous allons tous parler matin, midi et soir de ce qui se joue autour. D'un point de vue logistique avec les transports, la sécurité et l'impact que ça va avoir sur l'image de la France, sur la transformation aussi de nos citoyens au contact d'un grand événement comme celui-là... Les Jeux, c'est la compétition mixte par excellence. On ne regarde pas du sport féminin ou masculin, on regarde des sportifs pendant quinze jours. Donc franceinfo, c'est la chaîne de l'événement. L'événement, ça sera les Jeux. Mais l'ADN de franceinfo, c'est aussi de donner à nos auditeurs le reste de l'actualité. Il y aura des jours, ce sera peut-être 100 % de Jeux et puis il y aura peut-être une très grosse actualité et on la traitera. C'est ça la force de cette chaîne, c'est qu'elle est capable de s'adapter à l'événement. 

Pour les Paralympiques, "Ce sera pareil dans une moindre mesure". Pourquoi un dispositif plus réduit ? 

 C'est plus tard et puis c'est plus réduit, c'est-à-dire qu'il y a moins d'athlètes, moins de délégations, moins de sports et moins de jours de compétitions. Ensuite, c'est parce que c'est aussi à un moment différent. Ça commence le 28 août et ça se termine le 9 septembre et pendant cette période, il y a la rentrée des classes, la rentrée politique et tout un tas d'autres sujets qui viendront un peu les parasiter. 

C'est juste une question de dates ? 

Ah oui, quand même. Le dispositif qu'on met en place pour les Jeux Paralympiques sur l'antenne de franceinfo, c'est le dispositif que d'ordinaire on met en place pour les Jeux Olympiques ailleurs. 

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