Nicolas Charbonneau, directeur de la rédaction du "Parisien-Aujourd’hui en France" : "On a l’obsession du scoop"
Nicolas Charbonneau est le directeur de la rédaction du Parisien – Aujourd’hui en France depuis 2022. Le journal est le troisième titre le plus vendu de la presse quotidienne nationale derrière Le Monde et Le Figaro avec 258 000 exemplaires chaque jour en 2023, en légère hausse. Le Parisien – Aujourd’hui en France, c’est aussi une rédaction de 400 journalistes, un site internet, des vidéos et des podcasts qui fonctionnent très bien comme Code Source et Crime Story. Nicolas Charbonneau annonce l’arrivée d’un podcast, à partir 14 février, Le Sacre, porté par l’animatrice et journaliste sportive Anne-Laure Bonnet consacré aux Jeux olympiques et aux athlètes.
franceinfo : Concernant les journaux disponibles le dimanche, nous avons uniquement parlé du match entre Le JDD et La Tribune dimanche qui s'est lancé au mois d'octobre. Il y a énormément de titres ce jour-là, notamment des quotidiens régionaux qui se vendent d'ailleurs beaucoup plus que les nationaux comme le numéro un, Ouest-France et L'Équipe, qui est aussi très bien placée. Où vous situez-vous dans cette bataille dominicale ?
Nicolas Charbonneau : Le Parisien- Aujourd'hui en France est leader. C'est une grande fierté. On a observé ce match qui démarrait le 8 octobre dernier avec un nouvel entrant. C'est toujours salutaire et on a réellement salué l'arrivée d'un challenger.
Cela ne vous a pas inquiété ?
Non, pas réellement parce qu'on est Le Parisien - Aujourd'hui en France. Ce n'est pas énergisant l'inquiétude. On était prêt. C'est vrai qu'on a voulu transformer l'édition du dimanche en une édition un peu différente de celle de la semaine avec beaucoup plus de longs formats, beaucoup plus de récits, beaucoup plus d'enquêtes, plus de culture, de la littérature, de la food évidemment, tout ce qui concerne les gens. Des chroniqueurs, des signatures, des personnes comme Ruth Elkrief, Sophia Aram, François Lenglet nous ont rejoints.
Finalement, vous vous êtes inquiétés quand même face à l'arrivée de la Tribune dimanche ?
Non, on a proposé autre chose. Autre chose que ce que l'on peut faire réellement dans la semaine. C'est Le Parisien, mais c'est Le Parisien dans son édition du dimanche, avec encore une fois beaucoup plus de récits, beaucoup plus d'enquêtes. Les chiffres sont là, on est ravis parce qu'on a gagné des lecteurs, on a gagné plusieurs milliers de lecteurs.
C'est vexant d'être exclu d'un tel match ? Au moment du lancement, on ne parlait pas de vous, mais uniquement du Journal du dimanche et de La Tribune dimanche.
Alors ce n'est pas vexant parce qu'au fond, on est là, on est puissant, on est leader. On n'a pas du tout été déstabilisés, très honnêtement. Et moi, je suis très fier de ce que la rédaction a proposé et propose. On avait encore avant-hier la première interview presse écrite de Gabriel Attal, le Premier ministre. On avait, il y a une quinzaine de jours, une enquête très forte sur l'enfer à l'hôpital. Nous ne sommes pas du tout déstabilisés. On est Le Parisien.
Ne plus se contenter de suivre l'actualité parce qu'elle est partout sur les chaînes d'information en continu, sur les réseaux sociaux, c'est la nouveauté du Parisien ? Maintenant, vous créez l'actualité, vous allez la chercher ?
Alors ce n'est pas la nouveauté. Ce qui est très agréable avec cette rédaction du Parisien, c'est qu'on a tous collectivement l'obsession du lecteur et du scoop. C'est-à-dire que si c'est dans le commerce, d'une certaine manière, on va faire autre chose.
"'Le Parisien' a toujours créé l'info."
Nicolas Charbonneauà franceinfo
Tous les jours, il se déroule une conférence de rédaction où on se pose la question de : Qu'est-ce qu'on va mettre à la une demain ? Que va-t-on mettre à la une qui n'aura pas été vu ou entendu ailleurs ? Qu'est-ce qui va faire que demain, on va aller dans Le Parisien qui est ce journal qu'on connaît, qui est prescripteur, qui influent ?
Vous cherchez la différence tous les jours ?
Toujours.
C'est pour ça que vous n'avez pas fait de une, et ça vous a été reproché par une partie de la rédaction, la Société des journalistes, sur la polémique Amélie Oudéa-Castéra ?
On n’avait rien de différent. En revanche, et on a une ligne éditoriale qui est très claire, c'est que nous, on est attachés à quelques valeurs. On est attachés aux valeurs de la République, aux valeurs de la laïcité, aux valeurs de l'Europe. On est un journal populaire, ce qui ne veut pas dire populiste. En revanche, on va faire des unes qui sont différenciantes, qui sont engagées.
Engagées dans quel camp ?
La neutralité, c'est quelque chose d'assez mortifère. Il faut y aller. On a été le premier journal, le seul, à publier les photos de tous les otages français entre les mains du Hamas avec ce titre, c'était un dimanche, "Ne les oublions pas". Ça, c'est une une qui est engagée, une une différente. De la même manière qu'on a fait, il y a une quinzaine de jours ou trois semaines, maintenant, c'est une : "Plus de 1 000%" qui représentait la hausse des actes antisémites. Voilà, ça, c'est quelque chose qui est à nous, qu'on revendique, et ça ne veut pas dire qu'on ne traite pas le reste de l'info. D'abord, on a d'autres supports pour traiter le reste de l'info. On a un site internet, on a une appli, on a de la vidéo, on a des podcasts. Aujourd'hui, la rédaction du Parisien, ce sont 400 journalistes et je dis toujours qu'il y a des tiktokeurs et des grands reporters. Ça ouvre des champs incroyables.
Mais le Parisien est historiquement neutre. Ce n'est plus le cas ?
Par exemple, quand on est revenu sur le drame de Crépol, ce jeune Thomas qui a été assassiné dans des conditions effroyables, on a fait une contre-enquête. Elle n'était pas neutre cette contre-enquête et d'ailleurs, elle a surpris. On nous a accusés de faire partie du système.
"La neutralité, je ne sais pas très bien ce que ça veut dire. Faire une une, ce n'est pas être neutre."
Nicolas Charbonneauà franceinfo
Le choix des mots est important. Là, quand vous réalisez l'enquête sur Crépol, elle se base sur une enquête de police, donc ce sont les faits, finalement. Ce n'est pas un engagement.
Si. Ce qui est un engagement, c'est de le porter à la une. Quand on fait la une, il y a quelques jours, avec la fin de l'omerta et les propos de Judith Godrèche, on a fait quatre pages et c'est cela que j'appelle ne pas être neutre. La neutralité, encore une fois, ne pas avoir d'avis, pour, contre, je ne sais pas très bien ce que c'est et à un moment donné, dire les choses, c'est ça aussi ce qu'on attend d'un journal. Un journal compagnon et Le Parisien est le compagnon de ses lecteurs.
Vos podcasts fonctionnent très bien avec un million de téléchargements avec Code Source et Crime Story par mois.
Et il y a un petit nouveau, c'est un scoop ! Demain, c'est la Saint-Valentin, mais ça n'a rien à voir ! Tous les mercredis, il y aura Le Sacre, un nouveau podcast animé par Anne-Laure Bonnet consacré aux Jeux olympiques, à tous ces grands champions qui nous ont fait vibrer et qui sont arrivés à la médaille. Et encore un petit scoop même si je n'ai pas le droit de le dire, le premier numéro sera avec Marie-José Pérec. Vous allez l'écouter, vous allez avoir des frissons, vous allez pleurer. C'est formidable d'émotion. On aura 24 athlètes comme ça qui se confient au micro du Parisien.
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