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Dumas : les mots de l'antisémitisme ordinaire

Le choix des mots au coeur du débat politique. Ceux, "inacceptables" et "dangereux", de Roland Dumas qui juge Manuel Valls "sous influence" juive et puis le mot-choc de Manuel Valls lui-même. Le Premier ministre provoque le débat, en appelant à lutter contre "l'islamo-fascisme".
Article rédigé par Louise Bodet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Roland Dumas et Manuel Valls en ont décousu par médias interposés ce lundi sur fond "d'antisémitisme" et "d'islamo-fascisme" © MaxPPP)

Le choix des mots au coeur du débat politique ceux, "inacceptables" et "dangereux", de Roland Dumas.. qui juge Manuel Valls "sous influence" juive et puis le mot-choc de Manuel Valls lui-même. Le Premier ministre provoque le débat, en appelant à lutter contre "l'islamo-fascisme". Islamo-fascisme, une alliance de mot qui claque, d'autant qu'elle sort de la bouche d'un Premier ministre français de gauche. Le terme prend son essor dans les milieux néo-conservateurs de l'Amérique post-11 septembre, un terme repris depuis en France, d'abord dans les milieux de droite, mais aussi tout récemment par l'écologiste Noël Mamère, peu suspecté de dérive droitière. Comme quoi en matière sémantique et dans ces temps troublés, rien n'est simple.

 

 

"Réveil des consciences"

 

Pourquoi le Premier ministre choisit-il ce mot ? Sans doute pour la raison qui l'a incité à dénoncer il y a peu "l'apartheid social, territorial et ethnique" qui frappe certains de nos quartiers : "Il faut désormais une rupture , affirme-t-il, le réveil des consciences doit ne plus jamais retomber" . Manuel Valls avait déjà évoqué la montée d'un "fascisme islamique", c'était en 2013. Il dénonce depuis longtemps et avec force le "nouvel antisémitisme des banlieues", "né dans les quartiers sur fond d'internet de paraboles, de misère, sur fond de détestation de l'État d'Israël, et qui prône la haine du juif, de tous les juifs". Ces mots-là, le premier ministre les a prononcés le 13 janvier dernier dans un discours vibrant, ovationné par l'Assemblée Nationale.

 

 

Sortie de route calculée 

 

Islamo-fascisme : "C'est un slogan pour faire de l'audimat".  Voilà ce que pense l'ancien ministre des Affaires étrangères de françois Mitterrand.. dont la sortie de route est parfaitement calculée : ces dernières années, l'ancien résistant s’est associé au sulfureux Jacques Vergèss, et soutient désormais Dieudonné, poursuivi pour antisémitisme. Roland Dumas promeut également la théorie du complot, il dit ne pas croire au 11 septembre et s’en prend aujourd'hui aux origines de l’épouse de Manuel Valls. Le premier ministre est "probablement" sous influence juive, affirme l'ex-président du conseil constitutionnel, qui évoque des "alliances personnelles qui font qu'il a des préjugés ". Ce faisant, Roland Dumas reprend un argument très répandu dans les milieux proches de l'extrême droite et de Dieudonné, qui avait qualifié Manuel Valls de "petit soldat israélien veule et docile".

 

 

Tollé général 

 

"Atterrant" , "inacceptable" , "nauséabond" , "odieux" , "écoeurant". Après les déclarations de Roland Dumas, les adjectifs fleurissent. Et le dégoût est partagé. "C'est le discours des années 30 sur la France enjuivée" , juge le numéro 1 du PS Jean-Christophe Cambadelis. Beaucoup reprennent de Gaulle, citant lui-même Chateaubriand : "la vieillesse est un naufrage". Manuel Valls, quant à lui, dénonce "les propos d'un homme dont on connaît le passé et qui ne font pas honneur à la République depuis bien longtemps" mais il se refuse à répondre "d'un point de vue personnel" à Roland Dumas. "Je serais sali", explique le chef du gouvernement.. de son côté, le CSA a décidé d'instruire un dossier, sans qu'on sache pour l'heure s'il visera Roland Dumas ou son interviewer, Jean-Jacques Bourdin.

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