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Édito
Les bras d'honneur d'Eric Dupond-Moretti, nouvel exemple de la dégradation du débat parlementaire
Elisabeth Borne a appelé son ministre de la Justice pour lui reprocher "un comportement qui n’a pas sa place" dans l’hémicycle. La conférence des présidents va se saisir de son cas, mais l'Assemblée n'a pas le pouvoir de sanctionner un ministre en exercice.
Un ministre de la République qui balance des bras d’honneur en plein hémicycle, c’est un signe de plus de la dégradation du débat parlementaire. Une dérive qui s’accélère depuis les législatives de juin dernier. L’Assemblée ressemble chaque jour un peu plus à un cirque.
D'abord, sans doute, en raison de la présence d’une gauche radicale remontée à bloc. Elle annonçait son intention de transformer l’Assemblée en Zad. C’est assez réussi, comme l’a montré, notamment, le traitement infligé récemment à Olivier Dussopt traité d’"assassin" par un député insoumis, ou avec son portrait collé sur un ballon de foot écrasé par un autre élu ceint de son écharpe tricolore. Mais l’exécutif aussi a des torts. En juin, faute de majorité absolue, il se faisait fort de faire vivre le dialogue au Parlement, de faire émerger des majorités de compromis, sur le modèle des coalitions à l’allemande. Emmanuel Macron promettait de rompre avec un mode de gouvernance trop vertical. C’est raté ! Si on ajoute une forme de "twitterisation" ou d’"hanounisation" du débat politique, qui se résume à une succession de clash, de recherche de buzz, sur fond d’indignation surjouée, il y a de quoi s’inquiéter.
Le risque d'une crise démocratique
Des incidents à l'Assemblée, il y en a certes déjà eu sous la IIIe et la IVe Républiques. Mais ce n’est pas rassurant. Parce que les périodes durant lesquelles ces incidents violents se multipliaient à la Chambre, comme on disait à l’époque, ce sont justement des périodes de grave crise démocratique. Au début de la IIIe République quand le régime était encore fragile : au tournant du siècle lors de l’affaire Dreyfus, puis dans les années 30 quand une extrême droite antisémite s’en prenait en particulier à Léon Blum ; ou encore durant la IVe République secouée par la guerre d’Algérie.
Quand le Parlement ne sert plus de lieu de débat pour trancher démocratiquement le conflit, celui-ci se déplace ailleurs, dans la rue, et prend souvent un tour plus violent. C’est la menace que conforte jour après jour le spectacle du grand Tragique Circus de l’Assemblée nationale.
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