Édito
Menace de motion de censure : Marine Le Pen confrontée au problème du jour d'après

Marine Le Pen assure qu'elle pourrait voter la motion de censure que la gauche déposera vraisemblablement en décembre. Une manœuvre malgré tout périlleuse. Si le RN est en mesure de faire tomber le gouvernement, il n'est pas pour autant en position d'en former un nouveau.
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Marine Le Pen à l'Assemblée nationale lors du débat sur le projet de loi de finances, le 24 octobre 2024. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Michel Barnier reçoit la présidente du groupe des députés RN à lundi 25 novembre 8 heures 30. Marine Le Pen menace de plus en plus ouvertement de voter la motion de censure que déposera vraisemblablement la gauche en réplique à l’article 49.3 que le Premier ministre devrait dégainer pour faire adopter le budget mi-décembre. Michel Barnier ne veut surtout pas donner l'impression de céder au chantage de la présidente du groupe RN. Il entend la traiter comme ses homologues, Mathilde Panot, Boris Valaud et les autres, qu'il va recevoir jusqu'à jeudi. IL veut écouter dialoguer, mais surtout préserver l'architecture de son budget et des efforts d'économies. Michel Barnier est d'autant moins sensible aux exigences de Marine Le Pen qu'il sait qu'elle peut en changer jusqu'au dernier moment, jusqu'au vote d'une motion de censure probable autour de la mi-décembre.

Depuis plusieurs mois, le groupe Rn n'a plus vraiment de boussole et change parfois ses votes au tout dernier moment, en fonction du contexte politique, pour semer le plus de désordre possible chez l'adversaire. Ce fut le cas en décembre dernier, par exemple, sur l'immigration.

Ce changement de ton peut s'expliquer par l’issue prochaine du procès des assistants fictifs du RN. Accusée de détournement de fonds publics, Marine Le Pen est en particulier menacée d’une lourde peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, c'est-à-dire immédiate. C’est au lendemain de ces réquisitions, il y a un peu moins de trois semaines, qu’elle s’est mise à répéter qu’elle pourrait bien faire tomber le gouvernement Barnier. Fini la quête de notabilisation et la stratégie d’apaisement, Marine Le Pen veut désormais de nouveau faire exploser ce qu’elle appelle "le système". Ce qui passe par une dénonciation virulente de la justice et des magistrats qu’elle accuse d’être aux ordres du pouvoir politique. Et par le vote probable de la motion de censure. Un bon moyen de faire diversion si elle est condamnée dans quelques semaines.

Une stratégie risquée 

Pour Marine Le Pen, voter la censure, ce n'est donc pas sans risques, la manœuvre est même très périlleuse. Son problème, c’est le jour d’après. Créer le chaos, c’est assez facile, surtout si tout le Nouveau Front populaire, socialistes compris, y prête son concours. Mais ensuite ? À l’Assemblée, l’addition de la gauche et de l’extrême droite peut faire tomber un gouvernement, mais pas en former un autre, alternatif, pour gérer le pays. Si, après Michel Barnier, Emmanuel Macron se tourne vers le NFP, Marine Le Pen aura un peu de mal à expliquer à ses électeurs qu’elle a préféré faciliter l’installation d’un gouvernement de gauche avec des ministres insoumis. Et elle ne tardera pas à le faire tomber à son tour en votant une autre motion de censure, initiée par le centre et la droite. Depuis sa création il y a 52 ans, le FN devenu RN se complaît dans ce rôle de force de nuisance. Sans jamais réussir à devenir un parti de gouvernement.

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