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Édito
Pourquoi Elisabeth Borne attaque-t-elle Marine Le Pen et le RN, "hériter de Pétain" ?
Le Rassemblement national (RN) est un "héritier de Pétain", a déclaré Elisabeth Borne sur Radio J dimanche 28 mai. Pourquoi cette charge ? Et surtout pourquoi maintenant ? Parce qu'Emmanuel Macron a pris conscience que la crise des retraites avait eu pour effet de favoriser Marine Le Pen, la chef de file des députés RN qui cartonne dans les enquêtes d'opinion. Au moment où démarre la campagne des européennes, des élections de mi-mandat pour le chef de l'Etat, la consigne à l'Elysée est claire : après avoir ciblé La France insoumise au fil des journées de mobilisation contre la réforme des retraites, il faut désormais aller chercher le Rassemblement national, le vider de sa substance, notamment sur l'un de ses fondamentaux, l'immigration. C'est le job de Gérald Darmanin. Et convoquer les fantômes de la collaboration comme si ça parlait encore aux électeurs.
Le RN, héritier de Pétain ? L'accusation colle bien au FN. Mais pour le RN, c'est plus compliqué. Le Front national, fondé par Jean-Marie Le Pen en 1972, était ouvertement nationaliste, d'extrême droite, un agrégat d'anciens de l'OAS, du mouvement Ordre nouveau, du GUD. Le trésorier avait combattu dans la division SS Charlemagne et le patron du FN aura multiplié les provocations racistes et antisémites. Marine Le Pen, en fondant le RN en 2018, a revendiqué la rupture d'avec l'héritage paternel. La double finaliste de la présidentielle brouille les pistes depuis. Elle se réclame désormais du gaullisme. Le pouvoir d'achat a remplacé la sortie de l'euro. La frange la plus extrême de son électorat s'en est allée chez Eric Zemmour. Conversion sincère ou pure stratégie de conquête du pouvoir ? C'est selon. Le maréchal Pétain semble quand même désormais très loin.
Rien ne dit que l'attaque d'Elisabeth Borne fonctionne. Ça n'a jamais marché avec le père, qualifié au deuxième tour en 2002, même s'il n'y a pas eu de progression de voix. Et ça marche encore moins avec la fille qui dit vouloir tourner le dos à ce passé sulfureux. Jordan Bardella, né un demi-siècle après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, a accusé dimanche la chef du gouvernement d'insulter le premier parti d'opposition et de salir des millions de Français. Sur franceinfo, dimanche, Sébastien Chenu, lui, a jugé Elisabeth Borne "inculte, indigne et incapable".
Le problème est là : une partie croissante de l'opinion cultive, au fil des crises – Covid, inflation, retraites – une forme de détestation du pouvoir, accusé à tort ou à raison d'être loin de ses préoccupations. Ce que les électeurs attendent aujourd'hui, ce ne sont plus des joutes verbales ou des cours d'histoire à la sauvette avec des références qui leur semblent hors-sol, mais des résultats, une amélioration sensible de leur vie quotidienne. Les politiques sont plus que jamais jugés sur leur capacité à transformer la société et rien d'autre.
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