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Édito
Pourquoi les politiques doivent répondre à Cyril Hanouna et aux Français qui s'interrogent sur la justice.
Mercredi sur franceinfo, le procureur de la République de Roanne a dénoncé ces Français qui se font justice eux-mêmes. Un sujet sur lequel le politique a une lourde responsabilité. L'édito politique de Jean-Rémi Baudot
Quand un père de famille traque puis roue de coups un ado qu’il juge responsable de l’agression sexuelle de sa fille. Quand un autre père tire sur un jeune qui, selon lui, rackete son fils… A chaque fois, c'est la même idée : rendre justice soi-même. Les vendettas n'ont rien de très nouveau mais il faut en faire aujourd’hui une lecture politique très préoccupante. Le sous-titre de ces actions punitives, c’est le postulat que la justice serait laxiste et inefficace : symptôme d’une crise de confiance majeure dans nos institutions alimentée à grand renfort de chaînes d’infos et de réseaux sociaux.
Le politique dans tout ça est responsable d’avoir sous-doté la justice, la rendant concrètement plus lente, mais il est aussi responsable d’avoir institutionnalisé le primat de l’immédiateté sur la pensée rationnelle. C’est Nicolas Sarkozy qui fût l’un des premiers à appliquer dans les années 2000 le combo "un fait-divers - une loi". Quand l’affect et l’émotion prennent le pas sur la réflexion, l’opinion attend des résultats et du symbole. Alors que justement, le politique devrait être là pour poser des limites.
La désertion des politiques
Est-ce aux politiques de répondre aux faits-divers ? Non, justement. Les politiques se doivent de rappeler régulièrement que nos institutions sont les seules garantes de notre vie en société et que l’exploitation des passions et des pulsions ne peuvent pas mener à plus de liberté.
Où sont-ils nos politiques, notamment la droite censée incarner l’ordre, quand il s’agit de rappeler que ces règles qui régissent nos vies sont le fruit de siècles et de siècles de compromis ? Laisser prospérer la défiance dans la justice sans réagir quand des citoyens pensent qu’ils ne seront jamais mieux servis que par eux-mêmes, ça s’appelle une désertion.
Alors oui, il faut répondre à ces Français qui pensent que les lois ne sont pas utiles et que la justice ne sert à rien. Oui, il faut répondre à un Cyril Hanouna qui prône un "procès immédiat en quelques heures avec perpétuité directe" pour des affaires comme celle de la petite Lola.
Le temps de la justice
Ça n’est pas de la bien-pensance de rappeler que la justice prend toujours du temps et pourquoi ce temps est nécessaire pour éviter l’arbitraire. Sinon, demain, à la demande de justice expéditive, on aura des réponses politiques groupusculaires. A la demande d’autoritarisme, on aura des réponses politiques autoritaires.
Ces dernières années, les populistes à travers le monde ont justement déstabilisé les démocraties à grand coup de boutoir dans les institutions. Pour rappel, lors de la dernière présidentielle, deux candidats d’extrême-droite proposaient de modifier ou de contourner la constitution pour imposer de nouvelles règles plus restrictives. L'une de ses personnalités a même fait 42% au second tour.
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