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Édito
Réforme des retraites : pourquoi on a tort de se focaliser sur la décision du Conseil constitutionnel

Une date est marquée d’une pierre blanche dans l’agenda de l’exécutif : ce vendredi, le Conseil Constitutionnel rend son avis sur la réforme des retraites. Pourtant, on a tort de se focaliser sur cette date. L'édito de Neila Latrous.
Article rédigé par franceinfo, Neila Latrous
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La façade du Conseil constitutionnel, à Paris, le 15 octobre 2018. (BERTRAND GUAY / AFP)

Conforme ou pas ? Cette date du vendredi 14 avril, avec les décisions Conseil constitutionnel sur la réforme des retraites est certes décisive pour la destinée d’Élisabeth Borne et de son gouvernement. Mais elle ne l’est pas tant que ça dans le moment que nous vivons.

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Une décision de justice, quand bien même de justice constitutionnelle, ne suffit pas à résoudre une crise politique. Ce n’est d’ailleurs pas un cadeau fait aux Sages que de leur confier ce rôle : ils doivent trancher en droit. Politiser leur avis, comme le font tant l’exécutif que les oppositions, c’est prendre le risque d’accentuer la défiance qui s’est installée entre les Français et leurs institutions. L’exécutif joue un jeu dangereux quand il explique que le Conseil constitutionnel est le juge de paix du conflit social. Les oppositions, aussi, qui, dans leurs prises de parole, instillent l’idée que ce texte doit forcément être censuré. C’est laisser à penser qu’une décision contraire aux intérêts des uns et des autres.

Détourner le regard

Et pourtant, il va bien falloir qu’une page se tourne après l’avis du Conseil constitutionnel. La crise ne naît pas avec la réforme des retraites. Bien au contraire, les semaines que nous venons de vivre sont le prolongement d’une longue séquence entamée bien avant Emmanuel Macron, avec notamment l'effondrement de la participation aux échéances électorales, avec plus de 57% d’abstention au second tour des dernières élections législatives. Autrement dit : plus d’un Français sur deux qui ne vote pas, ça aurait dû être un tremblement de terre politique. Or, les partis ont passé les semaines suivant le scrutin a expliquer qui était vraiment le gagnant des urnes, quand, par leur boycott, les Français ont préféré tous leur décerner un bonnet d’âne.

Il y a aussi un effondrement de la confiance dans les institutions. Baromètre après baromètre, le même constat : la parole publique est démonétisée. Emmanuel Macron, qui avait posé le bon diagnostic sur ce décrochage démocratique en 2017, n’a pas su apporter de réponse depuis la loi de moralisation de la vie publique, enclenchée lors de son premier mandat est insuffisante. Les promesses de réoxygéner la démocratie sont depuis restées lettre morte. Qu’est devenue sa promesse de proportionnelle ? Cette commission transpartisane qu’il promettait en mai dernier pour faire travailler les forces politiques de concert sur un redressement institutionnel ? Quid des carnets de doléances noircis pendant le "Grand Débat" ?

Le "en même temps" a vécu

Emmanuel Macron va devoir, en tout cas, réconcilier les deux France. Mais comment ? Bien malin, qui peut dire aujourd’hui qu'il a la solution miracle. Mais le salut commence par la lucidité… L’élection présidentielle n’a pas soldé les désaccords. Elle s’est déroulée sous cette chape de plomb, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, avec un débat escamoté, l'effet drapeau qui n’a pas permis de clarifier l’offre politique. Or, la lucidité, c’est regarder aussi qui sont les Français qui se sont déplacés aux urnes : ce sont deux France, celle qui gagne mal sa vie, qui n’arrive plus à économiser, qui s’est massivement abstenue et celle qui s’en sort bien qui a massivement voté Emmanuel Macron.

C’est de la France qui va mal qu’il va falloir s’occuper : elle ne vote pas certes, mais elle est plus nombreuse que celle qui va bien. Cela veut dire un choix clair : choisir les uns, et au fond, abandonner le "en même temps".

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