Les Républicains débattent de l'islam... en cachette
C'est l'histoire d'une convention qui devient un simple journée de travail. Nicolas Sarkozy avait annoncé sa tenue début février. Finalement, le rendez-vous aura bien lieu, mais à huis clos, et dans une configuration réduite : les organisateurs annoncent la présence de représentants de tous les cultes et d'universitaires, mais l'assistance devrait être composée pour l'essentiel d'élus. Ainsi le CFCM, Conseil Français du Culte Musulman créé pourtant par Nicolas Sarkozy en 2003, boycottera la réunion. C'est en tout cas ce qu'annonce l'un de ses dirigeants, qui juge que l'initiative "stigmatise les musulmans", et qu'elle ne traite pas l'essentiel, à savoir la "crise économique, sociale et morale" que connaît le pays.
"Stigmatisation" et risque de "manipulation", voilà les deux écueils que chercheraient à éviter le CFCM, dont les responsables ont pourtant déjeuné début mars avec Nicolas Sarkozy. Mais ils ont eu depuis du mal à avaler certaines déclarations de l'ex-président, sur le voile à l'université, le refus des menus de substitution ou encore le concept "d'assimilation", qu'il préfère désormais à la plus consensuelle "intégration", à l'instar du Front National.
Une "mauvaise idée" selon NKM
Une fois de plus Nathalie Kosciusko-Morizet s'est distinguée en dénonçant il y a 3 semaines "une mauvaise idée, parce que cette question n'est pas le seul sujet".. depuis, elle a été confirmée dans ses fonctions de numéro 2, et participera au débat demain au siège du parti. Réticences à droite, rejet à gauche... et "grande inquiétude" au sommet de l'Etat. A la mi-journée le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll s'est dit "extrêmement inquiet" de la tenue de cette réunion. "Je voudrais savoir où ce parti qui se veut républicain veut aller" s'interroge ce hollandais du premier cercle, pour qui "on n'a pas à discuter plus d'une religion que d'une autre".
Nicolas Sarkozy, "l'instituteur" et "le curé"
La réunion de travail aura pourtant lieu, mais à huis clos, donc. Signe d'une certaine gêne ? "Pas du tout", répondent les organisateurs, qui assurent que ce huis clos ne vise pas à "cacher" quoi que ce soit, mais qu'il a été décidé "à la demande de certains participants, pour que tout le monde se sente à l'aise"... Des organisateurs extrêmement prudents : la journée, précisent-ils, "ne fera l'objet d'aucune communication sur le contenu des échanges, ni sur les enseignements auxquels ils pourraient conduire".
Façon peut-être de ne pas tomber dans cette "stigmatisation" dénoncée par le CFCM et la gauche, qui fait le lien avec les déclarations récentes de Nicolas Sarkozy. Au sujet de l'Islam, l'ex-président a beaucoup évolué. Avant d'accéder à l'Elysée, le candidat Sarkozy était même critiqué... pour son "communautarisme" ! Ensuite, le président Sarkozy a défendu avec ferveur non plus toutes les religions, mais prioritairement les "racines chrétiennes" de la France dans le fameux discours du Latran fin 2007, et jugé quelques semaines plus tard que "l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur".
Christian Estrosi et "l'intercession de la Vierge Marie"
Certains proches de l'ancien président vont beaucoup plus loin. Ainsi le député-maire de Nice Christian Estrosi, qui dépeint il y a quelques semaines une "3ème guerre mondiale déclarée à la civilisation judéo-chrétienne par l'islamo-fascisme", dénonce "les cinquièmes colonnes et leurs réseaux infiltrés dans nos caves, dans nos garages, dans les lieux clandestins" et, dans un tweet remarqué, place dimanche dernier sa ville de Nice sous la protection de la Vierge Marie..
Une ferveur - et une virulence - qui vont crescendo à mesure que l'on se rapproche des terres et de l'électorat du Front National : Christian Estrosi affrontera Marion Maréchal Le Pen aux prochaines régionales en Provence Alpes Côte d'Azur, une région que l'extrême droite a de bonnes chances de remporter. Ceci expliquant sans doute cela.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.