À 68 ans, Anoosheh Ashoori, ex-prisonnier politique en Iran, boucle le marathon de Londres et dédie sa course aux Iraniennes
Libéré en mars dernier après cinq ans de détention en Iran, le sexagénaire explique que ce qui lui a permis de tenir mentalement, c’était le fait de courir. Il a donc décidé de faire le marathon de Londres afin de lever des fonds pour Amnesty International et rendre hommage aux femmes qui manifestent en Iran.
C’était dimanche 2 octobre, lors du très prisé marathon de Londres : Anoosheeh Ashoori, 68 ans, a pris le départ aux couleurs de l’ONG Amnesty International, et il a fait ses 42 kilomètres en 5 heures 28 minutes et 28 secondes. Il a un peu calé vers le trente-deuxième kilomètre, les genoux ont bloqué, mais à aucun moment il n’a pensé renoncer, "parce qu’il fallait que je puisse dédier ma course aux femmes qui manifestent en Iran, aux prisonniers politiques, à celles et ceux qui se battent pour la liberté," a-t-il dit sur la ligne d'arrivée. Une course qui lui a permis de récolter 17 000 livres sterling (presque 20 000 euros) pour Amnesty International et Hostage International.
Former Iran detainee Anoosheh Ashoori ran the #LondonMarathon in his prisoner’s uniform. He told me he would run for hours each day in his confined cell hoping one day he would run the marathon. He dedicated it to the women of Iran, political prisoners and the freedom of Iran pic.twitter.com/LhX7PAgKZ7
— Kirsty Hickey (@KirstyHickey) October 2, 2022
Anoosheh Ashoori est un endurant : il revient de l’enfer, en l’occurrence la prison d’Evin, le centre de détention des prisonniers politiques en Iran. Il est né et a grandi à Téhéran, mais il n’était pas là lorsque les mollahs pris le pouvoir en 1979. De 1972 à 1982, il était en Angleterre pour faire des études en aéronautique. Il est rentré au pays en 1983, avant de s’expatrier définitivement en Angleterre, début 2000. Il obtient la double nationalité irano-britannique et se rend régulièrement en Iran pour voir sa mère. Mais en 2017, il est arrêté pour "espionnage" et "accumulation de richesses illégitimes", énoncé qu’il conteste évidemment. Rien n’y fait, le tribunal le condamne à 12 ans de prison. Commence alors un long combat mené par ses enfants et sa femme depuis Londres pour le faire libérer.
Ce que j’ai trouvé pour ne pas sombrer dans la folie en prison, c’est courir, c’était mon remède, ça et le fait de me dire qu’un jour je courrai le marathon de Londres
Anoosheh Ashoori, ancien prisonnier politique en IranBBC
Anoosheh Ashoori est cloitré dans sa cellule, isolé. Il ne sait rien. Il sent juste qu’il tombe dans l’oubli : au début, l’opinion publique et les autorités britanniques se sont inquiétés, se sont mobilisées et puis se sont lassées, sont passées à autre chose. À court d’espoir, il fait trois tentatives de suicide, "et finalement, dit-il à la BBC, ce que j’ai trouvé pour ne pas sombrer dans la folie, c’est courir." Au début, il court dans la salle de sport, puis les gardiens décident de la fermer. Alors, il se rabat sur la cour de promenade, il court en rond dans quelques mètres carrés, se détruit les genoux, mais peu importe, "c’était mon remède, ça et le fait de me dire qu’un jour je courrai le marathon de Londres."
En mars dernier, il a enfin été libéré après cinq ans de détention, mais il dit que ce qu’il a vécu n’est rien à côté de ce qui se passe en ce moment en Iran, où près de 100 personnes sont mortes lors des manifestations depuis quinze jours. Alors à tous ceux qui demandent quoi faire, il répond : "Donnez de la voix, soutenez les manifestants, parlez d’eux, diffusez leur parole."
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