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À Rotterdam, la statue d’une adolescente en jogging et baskets bouscule les normes de la représentation

En bronze et haute de quatre mètres, cette statue d’une adolescente mains dans les poches a été inaugurée début juin sur le parvis de la gare de Rotterdam. Elle est rapidement devenue une véritable attraction... et un sujet de débats.
Article rédigé par franceinfo, Marion Lagardère
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La statue d’une adolescente en jogging et baskets  devant la gare de Rotterdam (Pays-Bas). (ANP MAG)

Mis à part le fait qu’elle est en bronze et qu’elle fait près de quatre mètres de haut, elle est clairement hors des normes qui viennent à l’esprit quand il est question de statuaire monumentale en ville. L’œuvre s’appelle Moments contained, "moments retenus", et elle vient d’être inaugurée à Rotterdam au Pays-Bas, sur le parvis de la gare centrale, endroit le plus fréquenté de la ville qui voit passer chaque jour des milliers de voyageurs.

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Elle représente une adolescente, une jeune fille noire habillée comme beaucoup d'ados aujourd’hui, c’est à dire en survêtement, baskets, tee-shirt, les cheveux attachés en chignon, debout et les mains dans les poches. Elle regarde droit devant elle, sans vraiment sourire, le tout dans un style hyperréaliste qui donne l’impression qu’elle pose expressément pour être photographiée. 

C’est le sculpteur britannique Thomas J. Price qui l’a réalisée. Il s’est fait une spécialité de représenter celles et ceux que l’on ne voit pas dans l’art monumental : les travailleurs précaires, les pauvres, les immigrés, les adolescents... Présentée au salon Art Basel, l’an passé, la fondation philanthropique néerlandaise Droom a acquis cette statue pour l’offrir à la ville de Rotterdam, un don que le maire a accepté et a décidé de placer expressément sur la place la plus fréquentée de cette cité portuaire. C’est peu dire qu’elle fait parler.

Qui a le droit à une statue ?

D’un côté, les conservateurs qui martèlent que seules les personnes ayant accompli quelque chose devraient avoir droit à un monument. De l’autre, les réformistes qui plaident pour qu'il n'y ait pas que des monarques, des chefs militaires, des politiciens, ou des allégories féminines généralement nues représentées dans l’espace public. Enfin, au milieu de tout ça, il y a les milliers d’anonymes qui se prennent en photo avec la statue.

Depuis son inauguration, il y a trois semaines, elle est devenue le monument le plus photographié, commenté, débattu de Rotterdam, ville qui se veut cosmopolite, ouverte, et qui en même temps porte le passé d’une vieille cité du vieux continent, à la fois refuge célèbre des protestants et ancien grand port négrier. Et c’est bien pour ça que la statue fait parler, parce qu’elle interroge l’idée qu’on se fait d’un monument : que veut-on représenter ? Que veut-on donner à voir d'un lieu, d'une époque ? Et pour dire quoi exactement ?

La réponse est sans doute dans toutes les figures anonymes, de la Paysanne de Van Gogh à la Laitière de Vermeer, en passant par la Dame à l’éventail de Rembrandt, que l’on pourrait accuser de n’avoir rien accompli de spécial et qui pourtant illuminent aujourd’hui tous les musées du monde.

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