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Judit Polgar, la meilleure joueuse d’échecs du monde, confronte son expérience à la série "Le Jeu de la dame"

Face au succès de la série sur Netflix, la championne hongroise d’échecs est sollicitée par les médias pour commenter la crédibilité des scènes de jeu. Mais contrairement à ce que montre la série, les échecs ne sont d'après elle pas suffisamment ouverts aux femmes, et les joueurs pas toujours très élégants.

Article rédigé par Marion Lagardère
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Judit Polgar, championne d'échecs à Budapest (Hongrie), le 14 mai 2017. (PETER KOHALMI / AFP)

La série cartonne depuis un mois sur Netflix : Le Jeu de la dame,  (The Queen’s Gambit en version originale), l’histoire d’une orpheline qui apprend à jouer aux échecs et dont on suit le parcours brillant. L'adolescente parvient à se faire une place dans les tournois internationauxC’est une fiction, tirée d’un livre, qui se déroule dans les années 1960, à une époque où en réalité, il n’y a jamais eu de championne d’échecs.

Il a fallu attendre la fin des années 1980 pour voir arriver une femme dans les tournois internationaux : en l’occurrence, Judit Polgar, championne qui a pris sa retraite en 2014 et qui depuis quelques jours refait la Une. Le New York Times et CNN l’ont interviewée. Ici en France, L’Equipe lui a consacré un portrait. On la sollicite pour savoir ce qu’elle pense de la série. Est-ce réaliste ? Les parties, les attitudes, sont-elles crédibles ? De quoi faire sourire Judit Polgar, elle qui n’est pas arrivée devant un échiquier par hasard mais a été élevée, entraînée, formatée pour gagner.

Elle est née en 1976, à Budapest (Hongrie). Son père, psychanalyste, l’initie aux échecs, comme ses deux sœurs, à trois ans. Avec un but : prouver que le génie n’est pas inné mais acquis, qu’il se conquiert. Coup de chance, l’enfant adore, passe des heures à jouer, et excelle. À huit ans, elle est championne du monde mixte des moins de 12 ans. À 15 ans et 5 mois, elle bat le record de précocité en devenant plus jeune grand maître international de l’histoire, et à partir de là, elle ne joue plus que contre des hommes, elle entre dans le Top 10 mondial (elle est toujours la seule à ce jour), et bat, en 2002, le numéro 1, Garry Kasparov.

La série, c’est bien, mais ça ne suffira pas. Il faut faire entrer les échecs dans les écoles, ils donnent des outils pour la vie : la logique, la résilience, savoir trancher, accepter une défaite, maîtriser l’euphorie d’une victoire. Ça rend plus fort.

Judit Polgar, championne d'échecs

CNN

Pourtant, contrairement à la série, son parcours n’a pas été une sinécure. "Beaucoup d’hommes refusaient de me serrer la main, dit-elle au New York Times, l’un d’eux s’est même frappé la tête sur l’échiquier après avoir perdu contre moi". Sans parler des remarques, des piques qu’elle a reçues pour la déstabiliser.

"La série, c’est bien, mais ça ne suffira pas" dit celle qui veut ouvrir ce jeu aux filles. "Les échecs donnent des outils pour la vie, explique Judit Polgar à CNN, on peut citer la logique, la résilience, la capacité à trancher, à accepter une défaite, ou même à maitriser l’euphorie d’une victoire." Ceux qui cherchaient des idées pour occuper studieusement leur reconfinement savent maintenant quoi faire : tester sa résilience au-dessus d’un échiquier.

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