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Suisse : la directrice du musée des Beaux-Arts de Zurich veut faire toute la lumière sur le passé des oeuvres d’art

Ann Demeester, qui vient de prendre la direction du musée des Beaux-Arts de Zurich, en Suisse, va soumettre tous les tableaux à l'examen d'une commission indépendante. Elle entend s'attaquer ainsi à l'épineuse question de l'art spolié par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Article rédigé par Céline Asselot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Ann Demeester, directrice du musée des Beaux-Arts à Zurich (Suisse). (ARND WIEGMANN / AFP)

Pour présenter Ann Demeester, il faut commencer par décrire une photo qui a toutes les allures d'un tableau. On la voit une jeune femme, longs cheveux blonds, sourire espiègle et autour du cou une immense fraise, cette collerette blanche qui était à la mode dans l'Europe au XVIe siècle. Cette photo très officielle de la nouvelle directrice du musée des Beaux-Arts de Zurich permet de comprendre assez vite qu’elle a l’intention de casser les codes dans un univers encore bien corseté. Ann Demeester est Belge, elle a 47 ans, et après un parcours d’universitaire, de critique d’art puis de commissaire d’exposition, elle est devenue en janvier la première femme à la tête du Kunsthaus de Zurich, le plus grand musée d’art de Suisse. 

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Dans ses premières interviews, elle parle de moderniser, de féminiser, de mieux faire dialoguer les œuvres entre elles ce qui est déjà un défi en soi. Mais avant de se projeter vers l’avenir, Ann Demeester a décidé de regarder le passé en face et cette semaine elle a annoncé qu’une commission indépendante serait chargée d’examiner l’origine de tous les tableaux de son musée.

L'ombre d'Emil Bürhle

Pour comprendre pourquoi c’est courageux, il faut vous présenter un homme : Emil Bürhle, un marchand d’armes allemand installé en Suisse qui a fait fortune pendant la Seconde Guerre mondiale et qui avait des convictions assez mouvantes, capable de vendre des canons aux Alliés, puis des armes aux nazis. Cela a fait de lui l'homme le plus riche de Suisse. Avec sa fortune, il s’est constitué une collection d’art étourdissante, composée de Cézanne, de Renoir, de Van Gogh, de Manet… Au total, 600 tableaux achetés pour certains à des collectionneurs juifs. 

Naissance d'une polémique

Il y a deux ans, le musée de Zurich a bâti une aile toute neuve pour accueillir 200 de ces œuvres prêtés par la fondation qui gère la collection d’Emil Bürhle. Ce devait être une étape majeure pour le Kunsthaus qui rêve de devenir l’égal du musée d’Orsay. Ce fut en réalité le début d’une immense polémique.

Ann Demeester a donc décidé d’aller le plus loin possible dans la transparence et son équipe s’engage à agir pour que les tableaux soient restitués si l’enquête prouve qu’il y a eu spoliation. Une annonce pour redorer l'image du musée et pour faire en sorte que l'émerveillement de l'art n'ait plus ce goût amer que lui donnent parfois les profiteurs de guerre.

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