Le musée d'art de Bâle interroge son histoire et l'acquisition douteuse d'une vingtaine d'œuvres spoliées par les nazis
L'exposition "La modernité déchirée" retrace l'histoire du Kunstmuseum de Bâle qui en 1939 débute son impressionnante collection d'art moderne en achetant aux nazis des œuvres d'art dites "dégénérées". Une période trouble jusqu'ici peu explorée.
C'est une exposition courageuse en forme d'enquête que le Kunstmuseum de Bâle consacre à sa propre histoire. La modernité déchirée se penche sur un épisode méconnu de l'histoire de l'art dans l'Allemagne des années 1930, quand le régime national-socialiste d'Adolph Hitler discrédite définitivement une avant-garde qui n'était pas conforme aux canons de l'art nazi.
En 1937, le Reich expurge les musées publics des œuvres qu'ils juge "dégénérées". Le judaïsme et la politique sont proscrits, mais également le fauvisme, le cubisme et le dadaïsme. Toute expression de la modernité est bannie. 21 000 œuvres sont ainsi mises à l'index et menacées de destruction. Mais les nazis ont besoin d'argent, et décident de vendre une selection d'entre elles. La vente aux enchères se déroule le 30 juin 1939 à la galerie Theodor Fisher de Lucerne, en Suisse.
Entre opportunisme et soutien au régime nazi
Pour le Kunstmuseum de Bâle qui a ouvert ses portes trois ans plus tôt, c'est l'occasion de se constituer une collection d'art moderne mais au prix d'une forme de complicité avec le régime nazi. "Pour les musées belges et suisses qui assistent à la vente eux enchères, explique Eva Reifert, commissaire de l'exposition et conservatrice en charge de l'art moderne au Kunstmuseum de Bâle, c'est toute la question : est-ce qu'on veut acheter ces œuvres et potentiellement soutenir avec cet argent le national-socialisme ?"
Mais d'ores et déjà, les nazis ont commencé à détruire des centaines d'œuvres. Georg Schmidt, le nouveau directeur du Kunstmuseum observe depuis plusieurs années les persécutions dont sont victimes certains milieux artistiques allemands. Avec le fond de 50 000 francs suisses octroyés par la ville de Bâle ( l'equivalent d' 1 million et demi d'euros actuels ), il fera l'acquisition de 21 œuvres, principalement des expressionnistes allemands.
Bâle fut à cette époque l'unique musée, avec les Beaux-Arts de Liège à acquérir autant de peintures et de travaux graphiques en provenance de Berlin. Des chefs d'oeuvre comme La Famille Soler de Pablo Picasso, la Descente de croix de Max Beckmann ou encore Le Rabbin de Marc Chagall figurent depuis lors dans la collection du Kunstmuseum.
A côté des œuvres sauvées par Georg Schmidt s'affiche l'ombre de celles que le directeur du Kunstmuseum n'a pu acquérir faute de fonds suffisants. Des toiles aujourd'hui disparues, dont il ne reste aujourd'hui que des traces. Comme a disparu aussi toute une génération de jeunes artistes allemands, fauchée par le nazisme,
La modernité déchirée. Les acquisitions bâloises d’art "dégénéré", jusqu'au 19 fevrier 2023, Kunstmuseum, St. Alban-Graben, 16, Bâle, Suisse.
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