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Rosemary Green, l’ancienne détenue qui a appris à lire en prison et milite pour rendre visibles les femmes incarcérées

Condamnée pour trafic de drogue aux États-Unis en 2008, elle a appris à lire dans sa cellule, portée par l’engouement autour de la saga "Twilight". Un apprentissage qui lui a permis de décrocher des diplômes et de se faire porte-voix des détenues.

Article rédigé par franceinfo, Marion Lagardère
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Rosemary Green, ancienne détenue qui milite pour les femmes incarcérées. (CBC MEDIA CENTRE)

C’est un combat commencé aux États-Unis où elle a purgé sa peine et qu’elle poursuit au Canada où elle a entamé sa nouvelle vie, celle d’avocate de ces femmes dont on parle si peu. Rosemary Green, revient elle-même de loin, elle en parle cette semaine à la fois au magazine Newsweek et à Radio Canada. "En 2008, j’ai été condamnée à 10 ans de prison pour trafic de drogue, explique-t-elle, j’avais 25 ans, quatre enfants de pères différents, une enfance émaillée d’abus derrière moi, pas de diplôme et je ne savais lire que mon nom." Rosemary Green était illettrée, "était", parce que c’est en cellule qu’elle a appris à lire.

Chaque jour, je m’évadais en regardant cette affiche de Twilight accrochée au mur, j’imaginais l'intrigue, donc une fille a fini par me prêter le premier tome de la série… sans savoir que je ne pouvais pas lire.

Rosemary Green, ancienne détenue et réalisatrice de podcast

au magazine Newsweek

Tout est parti d’une obsession. Une fascination pour un poster accroché au mur par sa codétenue : l’affiche du film Twilight, avec Robert Pattison et Kristen Stewart, immense succès à l’époque, adapté d’un roman sur le triangle amoureux formé par un vampire, une humaine un et loup-garou. "Chaque jour, je m’évadais en regardant cette affiche, j’imaginais l’histoire, donc une fille a fini par me prêter le premier tome de la série… sans savoir que je ne pouvais pas lire."

Des quatre tomes de la saga Twilight à l'université

Commence alors une longue phase de décodage, pour déchiffrer ne serait-ce que la première phrase du livre. "Il m’a fallu plusieurs jours pour comprendre le sens de chaque mot, explique Rosemary, mais quand j’y suis enfin arrivée, j’ai eu l’impression que les lignes me parlaient directement à moi." Alors elle continue, persévère, s’astreint à tout décrypter, ne faisant plus que lire, toute la journée.

Je peux dire que je dois mon éducation à l'acteur Robert Pattinson ! (...) grâce à cela, je suis sortie de prison plus forte, j'ai passé mon bac, obtenu une licence et vise désormais le doctorat en droit.

Rosemary Green, ancienne détenue et réalisatrice de podcasts

au magazine Newsweek

En un peu plus d’un mois, elle vient à bout du premier tome, avant d’attaquer les trois autres. 2 500 pages au total, une immense conquête, qui l’emmène vers d’autres lectures, plus terre à terre, plus vitales aussi : le compte rendu de son procès, l’acte d’accusation, ses documents administratifs. Sa vie. "Grâce à ça, je suis sortie de prison plus forte, j’ai passé mon bac, puis une licence en droit, et cette année, je vise le doctorat." Rosemary Green explique aussi que la lecture a été sa seule lumière dans un univers carcéral humiliant, dégradant, déshumanisant. Aujourd’hui elle plaide pour que la prison instruise au lieu de détruire, et vient de lancer une série de podcasts sur Radio Canada qui donne la parole aux détenues. "Parce que ces femmes sont plus que leur condamnation, dit-elle, plus que leur casier judiciaire."

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