L'info de l'histoire : les intellectuels et le nationalisme
Cette semaine, des intellectuels comme Patrick Boucheron, Franck Thilliez, Pierre Rosanvallon, ou l’éditrice François Nyssen se sont exprimés contre l’extrême droite nationaliste. Ils reprennent ainsi une posture ancienne du monde de la pensée. C’est une histoire qui commence lors de l’affaire Dreyfus, ce capitaine juif accusé à tord d’avoir trahi la France en livrant des renseignements à l’Allemagne. Le 13 janvier 1898, l’écrivain Emile Zola publie une lettre ouverte pour le défendre dans le journal L'Aurore, intitulée J’accuse. C’est le début du combat pour la libération de Dreyfus.
Quelques jours plus tard des professeurs, bibliothécaires, journalistes s’engagent dans le débat et publient une tribune pour appuyer Zola, et le 1er février 1898, Maurice Barrès, un écrivain de droite écrit une chronique sur Le Manifeste des intellectuels. Pour la première fois, il utilise ce mot "d'intellectuels" pour se moquer de ces gens qui vivent de leur pensée, avec le sous-entendu qu’ils ne font pas grands choses de leurs mains. Pour Barrès ces "intellectuels" sont le produit de l’échec de la société à créer une élite. Ce sont "des juifs", "des protestants", "des étrangers", des "nigauds"…
Une opposition durable aux nationalismes
Les intellectuels reprennent cette appellation pour se définir et en font la marque d’une qualité face aux nationalistes jugés grossiers, racistes et xénophobes. Ainsi, durablement, les intellectuels s’opposent-ils au nationalisme. C’est le cas même pour un gaulliste comme Romain Gary, engagé dans la France libre, contre la collaboration. En 1956, il a cette fameuse formule qui dit tout : "Le patriotisme c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres". Il pense, en effet, que le nationalisme a conduit aux désastres de la Seconde Guerre mondiale, la Shoah, les destructions...
En 1970, François Mitterrand, intellectuel, avocat entré en politique, dans une émission du journaliste Michel Pollack est toujours sur cette ligne. Il dit son admiration pour le Barrès de La colline inspirée mais dénonce "la petitesse", "la médiocrité" du Barrès nationaliste. En somme, l’analyse est la même jusqu’à nos jours.
Si bien que les intellectuels nationalistes ou souverainistes, comme Barrès lui-même ou Maurras, ont toujours eu du mal à se positionner comme tel, de peur d’être confondus avec les intellectuels de gauche. De nos jours encore, un Mathieu Bock-Côté, une Elisabeth Levy, ou un Ivan Rioufol ont la même répugnance.
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