Attaques en mer Rouge : "Il y a eu un peu de désorganisation, mais elle est derrière nous", selon le directeur général d'Haropa Port

Alors que des navires sont toujours victimes d'attaques en mer Rouge, on évoque les difficultés du transport maritime avec Stéphane Raison, directeur général d'Haropa Port, le premier port français en tonnage.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Stéphane Raison, directeur général et président du directoire d'Haropa Port, le 29 janvier 2024. (RADIOFRANCE / FRANCEINFO)

Haropa Port regroupe les ports du Havre, de Rouen et de Paris. Lundi 29 janvier, c'est la publication de leur chiffre d’affaires, l'occasion de revenir sur l'impact des attaques des rebelles Houtis du Yémen pro-palestiniens, auxquelles font face les transporteurs en mer Rouge. Mais aussi, l'occasion d'évoquer les différents défis logistiques qui les attendent pendant les Jeux olympiques (JO) de Paris 2024.

Stéphane Raison, directeur général et président du directoire d'Haropa Port était l'invité éco de franceinfo.

franceinfo : L'actualité de votre secteur est marquée par ces attaques répétées des rebelles houthis en mer Rouge. Concrètement, quels problèmes cela génère-t-il dans les ports que vous gérez ?

Il y a un peu de retard sur la livraison puisqu'on quitte la mer Rouge. Quand vous passez par le cap de Bonne-Espérance pour remonter vers l'Europe - pour le trafic venant de l'Asie -, vous perdez quinze jours. Il faut donc se recaler quand vous êtes armateur, puisque les armateurs arrivent finalement au Havre en premier port touché en Europe du Nord. Et finalement, il faut remettre des bateaux supplémentaires. Et puis, il y a eu un peu de désorganisation autour du 15 janvier, mais elle est derrière nous. Il y a aussi eu des conjonctions d'arrivées entre certains navires qui sont un peu arrivés en même temps et on l'a géré avec les opérateurs de terminaux sur les quais du Havre.

Et donc vous diriez qu'aujourd'hui ces problèmes, ils sont derrière vous, malgré les attaques qui continuent ?

Les armateurs ont fait des choix. Ils ont décidé effectivement de protéger leurs équipages. La sécurité avant tout. Ce qui se passe, c'est que le volume de conteneurs en Europe est moins important, les terminaux sont moins saturés, alors que pendant la période Covid, ils étaient totalement engorgés et là ils sont moins occupés. Donc on arrive à gérer finalement ces arrivées.

Sauf qu'on a vu également des constructeurs automobiles, comme Stellantis, qui se sont reportés vers le transport aérien par avion… Avez-vous peur d'un transfert vers l'aérien ?

C'est vraisemblablement pour des pièces urgentes. 

"Il y a une différence de coût très importante entre les pièces qu'on transporte par avion et celles qu'on transporte par bateau. C'est un recalage de la chaîne d'approvisionnement."

Stéphane Raison

sur franceinfo

Mais on a connu en Europe, pas au Havre, mais notamment dans les autres grands concurrents, Rotterdam et Anvers, des navires qui restaient là pendant quinze jours. Donc on connaît ça depuis la période Covid. Là, on est moins saturé et donc il faut un recalage côté compagnies maritimes pour que ça se remette en place, mais le problème est vraiment très temporaire.

Il y a moins de trafic, vous avez publié vos résultats pour l'an dernier avec une baisse du trafic de l'ordre de 4,5%. Comment l'expliquez-vous ?

Assez simplement. Déjà, on est le port d'Europe du Nord qui a la baisse la moins importante. On est à deux chiffres en Nord Europe, seul Anvers a fait -5,5, donc un tout petit peu moins bien que nous. On est dans un contexte économique extrêmement perturbé par la guerre en Ukraine. On voit bien que la mer Rouge, ça joue aussi. On est dans un contexte qui n'est pas facile sur le plan économique, donc on a moins de consommation. On avait vu beaucoup de consommation pendant la période Covid ou juste après, aujourd'hui, on est un peu en retrait, notamment sur le conteneur. Mais on a des secteurs d'activité, notamment les vracs liquides, toute l'activité pétrolière, l'activité gazière qui ont bien fonctionné. Le Gaz naturel liquéfié (GNL) a commencé au Havre. C'était aussi une bonne nouvelle pour nous parce que ça permettait d'avoir un autre trafic complémentaire. Les céréales sont dans une année qui est bizarrement un peu en retrait. Sauf qu'on fait notre meilleur mois en janvier depuis des années, avec plus d'1,7 million de tonnes de céréales. On est le premier port exportateur de céréales dans l'ouest de l'Europe.

Cette année, elle sera marquée par les Jeux olympiques avec une cérémonie d'ouverture qui aura lieu sur la Seine. Mais en contrepartie, le fleuve ne sera pas du tout accessible pendant toute la durée des JO, ce qui empêche l'acheminement des céréales, et cela juste après les moissons. Déplorez-vous cette décision ?

La circulation sur la Seine ne sera pas fermée pendant toute la durée des JO. Ce sont les huit jours du 19 juillet jusqu'à la cérémonie d'ouverture, donc le 27 juillet, le trafic va repartir. Il faut qu'on arrive à faire deux choses. D'une part, à mettre les barges qui transportent les céréales, depuis l'est de Paris vers Rouen, en attente au plus proche de la zone de coupure, parce qu'effectivement, il faut que ça puisse repartir dès que la Seine aura été réouverte. Et ça, on y travaille, c'est sous l'autorité du préfet de la région Ile de France.

"On estime à peu près 10 000 tonnes de céréales à transiter par jour depuis l'est de Paris en amont, sur la Seine, jusqu'à Rouen."

Stéphane Raison

franceinfo

Nous transportons plus de sept millions de tonnes de céréales. Donc, vous voyez, on est dans une période où on essaye avec les services de l'Etat de limiter au maximum les impacts sur les professions et notamment chez nous.

Vous n'avez pas peur d'être déclassés face aux mastodontes du nord de l'Europe comme Anvers ou Rotterdam ?

On est déjà très en dessous, malheureusement. Mais on a aussi des très belles annonces. On a un établissement public, on a un modèle économique qui est extrêmement robuste. Ça nous a permis de dépenser à peu près 200 millions d'euros sur les investissements chaque année, mais on pourrait faire plus. C'est ce qui nous a permis de baisser les tarifs sur les grands porte-conteneurs de 20%. Ça n'était jamais arrivé, on a fait ça à la fin de l'année. Et puis au-delà de tout ça, on a eu une très belle annonce il y a un an et demi : MSC a réitéré son annonce d'un milliard d'euros d'investissement pour faire des développements au Havre.

Donc l'armateur italo-Suisse MSC et ces investissements massifs, c'est une vitrine ?

C'est une vitrine et c'est une multiplication par trois du volume. On passerait d'1,5 million à 4,5 millions. Et puis de l'autre côté, l'armateur français, CMA-CGM n'est pas en reste puisque lui aussi porte des investissements nouveaux. Donc on espère que ces bonnes nouvelles vont nous remonter dans le classement des ports conteneurs dans le monde.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.