COP16 : les grandes entreprises "sont très engagées pour la biodiversité", par obligation ou non, assure l'Association française des entreprises pour l'environnement

Claire Tutenuit, déléguée générale de l’Association française des entreprises pour l’environnement (EPE) est l'invitée éco de franceinfo, lundi, alors que débute la COP16 des Nations Unies sur la biodiversité.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Claire Tutenuit, déléguée générale de l’Association française des Entreprises pour l’Environnement, le 21 octobre 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Comment préserver la biodiversité ? C'est tout l'enjeu de la COP16 des Nations unies sur la biodiversité qui s'ouvre lundi 21 octobre à Cali, en Colombie. Les quelque 200 pays membres de la Convention de l'ONU sur la biodiversité se sont fixé des objectifs il y a deux ans : préserver 30% des terres et des mers, restaurer 30% des écosystèmes dégradés. Les entreprises ont-elles un rôle à jouer ? Quelle doit être leur action ?

Claire Tutenuit, déléguée générale de l’Association française des entreprises pour l’environnement (EPE) et membre du Conseil économique, social et environnemental, est l'invitée éco de franceinfo.

franceinfo : L'Association que vous animez est constituée de très grandes entreprises françaises comme Air France, Total et EDF. Comment participent-elles concrètement à la préservation de la biodiversité ? Pouvez-vous donner quelques exemples précis ?

Claire Tutenuit : Oui, tout à fait. Elles sont effectivement très engagées, certaines par obligation en France, et c'est comme ça que ça a commencé, en fait. Les cimentiers, les gens qui ont des carrières, les infrastructures linéaires, donc les autoroutes de Vinci ou les trains de la SNCF, quand on fait des grands chantiers, ça donne lieu à des compensations, donc à une restauration d'espaces équivalents à ce qui a été affecté. Ça, c'était l'histoire. Mais depuis, elles ont fait beaucoup d'autres choses.

"Vous avez maintenant des grandes entreprises du luxe qui font extrêmement attention au respect de la biodiversité dans les endroits où sont cultivées leurs matières premières. On peut penser à Kering avec le cachemire ou la laine, à LVMH, avec les boissons, les cognacs."

Claire Tutenuit

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Donc, un certain nombre d'entreprises a une obligation légale de faire attention, notamment les cimentiers. Il y en a d'autres qui le font, pour quelle raison ?

D'abord pour la qualité, parce que souvent des produits qui ont été cultivés dans des bonnes conditions de biodiversité, pas de surpâturage, pas trop d'intrants chimiques, sont aussi meilleurs en qualité, en goût. Donc il peut y avoir un vrai intérêt "business". Et il y en a qui le font par souci de la biodiversité, parce que bien souvent, ça ne coûte pas très cher de faire mieux. Par exemple, un espace vert d'entreprise, vous pouvez soit le tondre à ras tous les quinze jours pour que ça soit un terrain de golf, soit laisser une friche fleurie, un espace, une petite mare, un espace un peu naturel. C'est plus intéressant même pour les employés ou les visiteurs, si c'est expliqué en particulier. Et donc même une petite entreprise peut faire des choses.

Avez-vous l'impression que les entreprises ont évolué sur ce sujet ?

L'association existe depuis 1992, donc elles ont beaucoup évolué sur le sujet, encore que c'était déjà dans la première convention sur la biodiversité qui date de 1992, donc le sujet était sur la table. Mais c'est vrai que c'est un sujet un peu difficile, on ne sait pas très bien le mesurer. Est-ce que ce sont surtout les espèces menacées ? Est-ce qu'il faut s'occuper des éléphants ? Quel est le rapport avec notre business ? Donc ça, ça a beaucoup évolué. Et aujourd'hui, elles ont toutes fait l'analyse qu'elles étaient concernées à un titre ou un autre : par leur site, par les impacts de leurs produits, par les déchets, les produits qui peuvent rester ensuite dans la nature par leur approvisionnement, elles sont toutes très concernées.

Mais il y a quand même des paradoxes. Ce sont ces mêmes entreprises qui participent parfois à la dégradation de la biodiversité. Quand on voit que des microparticules de plastique, de pneus Michelin se retrouvent dans les océans quand les navires de CMA-CGM entrent en collision avec des mammifères marins, comment gèrent-elles ces paradoxes ?

Ce sont effectivement des paradoxes, donc on en entend parler parce qu'elles en sont conscientes et elles font un certain nombre de choses.

"Michelin travaille énormément sur la structure de ses pneus et les produits qu'ils mettent dedans pour faire en sorte que les microparticules qui s'en échappent au freinage soient effectivement moins nocives ou moins abondantes."

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Donc il y a des efforts de recherche. Après elles ne vont pas être éliminées directement, mais au moins savoir ce qui va partir. Concernant les collisions avec les cétacés, les navires peuvent s'équiper de sonars, d'appareillages pour détecter au moins des bancs ou des groupes, et pouvoir dévier ou ralentir un peu. Donc il y a une vigilance qui est exercée avec beaucoup d'actions effectivement, par différentes entreprises.

Qu'en est-il des petites entreprises ? En est-on toujours au stade de la sensibilisation ?

Pour certaines, oui, parce que les effets sur la biodiversité peuvent être extrêmement lointains. Ils ne se rendent pas compte, ils estiment que depuis leur bureau, ce n'est pas très facile à voir. Donc il y a ce qu'on mange à la cantine, là il peut y avoir un impact, mais c'est quand même très lointain.

Que fait-on vis à vis des chefs d'entreprise des petites structures ?

L'Office français de la biodiversité a engagé un programme "entreprises engagées pour la nature", avec justement une charte pour des entreprises pour faire attention à leurs sites, à leurs approvisionnements, à leurs locaux, à leurs déchets, etc. Et donc ça, ça donne une sensibilisation très large. EPE, notre association, de son côté, a lancé en 2018, une initiative qui s'appelle "Act4nature" et qui a consisté précisément à diffuser dans l'ensemble du corps social de ces grandes entreprises le sujet des partenariats avec des ONG, du financement, etc.

Et vis à vis des chaînes d'approvisionnement et donc, notamment, des plus petites structures, des fournisseurs et ça peut passer par ça ?

Ça peut passer maintenant assez souvent par la transition écologique, comme le climat, par le cahier des charges, par de l'accompagnement parfois de fournisseurs à changer de méthode ou à changer de type de produit, etc.

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