COP29 : "Le signal envoyé au niveau planétaire est assez catastrophique", réagit la co-fondatrice de To Good To Go

Faute d'accord sur l'objectif de financement, la conférence sur le climat est entrée dans les prolongations. "Franchement, c'est assez navrant", réagit Lucie Basch, cofondatrice de l'application Too Good To Go.
Article rédigé par Sophie Auvigne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 9min
Lucie Basch, co-fondatrice de To Good To Go, le 22 novembre 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

La COP29, sommet sur le climat des Nations unies devait se terminer vendredi 22 novembre, mais faute d'accord, les négociations vont se poursuivre samedi. "C'est assez catastrophique pour le signal que ça envoie au niveau planétaire", estime Lucie Basch la co-fondatrice de To Good To Go, également à l’initiative de la "Climate House" à Paris.

L'application To Good To Go lutte contre le gaspillage alimentaire. Le principe est que les consommateurs peuvent acheter à petit prix des invendus alimentaires chez les commerçants. Fondée il y a huit ans, elle a permis de sauver de la poubelle 350 millions de repas.

franceinfo : Dernière ligne droite pour trouver un accord à la COP29, le premier commentaire qui vous vient à l'esprit, quel est-il ?

Lucie Basch : Décevant peut-être une fois de plus, je pense que franchement, c'est assez navrant, à la fois en termes de forme, rien que le lieu où ça se passe, et en termes de fond, du manque d'accord qu'on arrive à trouver, du manque d'avancée et même du manque d'intention. Oui, c'est assez catastrophique pour le signal que ça envoie au niveau planétaire.

Le lieu, c'est-à-dire un pays producteur de pétrole, évidemment. Avez-vous suivi ces quinze jours de négociations ?

Oui, forcément, avec beaucoup d'intérêt, parce qu'on a toujours une lueur d'espoir que les choses aillent vers le mieux. 

"Aujourd'hui, on n'a pas d'accord et pas de présence française non plus. On rate aussi une occasion d'être reconnu à un niveau comme un leader de cette transition nécessaire."

Lucie Basch

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On continue à opposer l'écologie et le social, alors que pour moi, ce sont vraiment des combats qui vont de pair. Comment est-ce qu'on réussit tous ensemble notre transition écologique et sociale et comment est-ce que les pays développés prennent aussi vraiment, totalement leurs responsabilités, notamment économiques, sur la façon de faire avancer les pays en développement qui sont les premières victimes du changement climatique ?

Du côté de la France, le gouvernement a expliqué l'absence de ministres après des propos provocants du côté azerbaïdjanais. Regrettez-vous cette absence ? Pensez-vous que c'est la bonne politique, cette chaise vide, ou presque ?

Je pense qu'une fois de plus, c'est complexe. En fait, je pense que ce que ça illustre une fois de plus, c'est qu'il y a tellement d'enjeux aujourd'hui, à la fois géopolitiques, écologiques et sociaux, qu'on a du mal à être parfaitement alignés avec les décisions prises d'une manière ou d'une autre. Et je pense que ce qui est important, c'est de comprendre la complexité des problèmes et du coup d'avoir en tout cas une intention centrale qui reste la même, celle de tous ensemble, qu'on soit du côté économique, du côté politique, du côté citoyen, d'avancer radicalement vers une transformation profonde de la façon dont on fait les choses, et notamment quand il s'agit d'un sujet aussi urgent et important que celui du pétrole, par exemple.

Sur un plan plus personnel, vous qui avez consacré tant d'énergie pendant sept, huit ans à lutter contre le gaspillage, quand vous voyez les négociations à Bakou, qu'est ce que vous vous dites ?

Je me dis qu'il faut se concentrer sur le positif et sur des sujets qui nous tiennent chacun à cœur. En fait, si on se laisse perdre dans l'immensité de la problématique, je pense qu'on perd tous espoir et qu'on n'arrive plus à bouger, qu'on est dans un certain immobilisme. 

"À mon échelle, j'essaie de me concentrer sur un problème spécifique : le gaspillage alimentaire. On jette encore 40% de la nourriture qu'on produit."

Lucie Basch

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Et donc pour moi, apporter To Good To Go en réponse à ça, c'était de se dire on va prendre un petit bout du problème et on va essayer de le transformer en une solution gagnante pour tous. Et c'est ce qu'on a fait en essayant de permettre aux gens de se nourrir à prix réduit, de permettre aux commerçants d'avoir des solutions pour ne plus gaspiller et de tous ensemble avoir un impact pour aller vers le mieux. Et c'est aussi ce qu'on fait effectivement avec les entrepreneurs à la "Climate house" pour essayer de concrètement avancer dans le positif.

Vous évoquiez To Good to go, une solution, maintenant dans une petite vingtaine de pays, et notamment les États-Unis. C'est vous qui avez poussé pour implanter cette application là-bas. Ça marche auprès d'Américains, si consommateurs ?

Je suis partie en 2020, en plein Covid pour lancer l'application là-bas aussi, et ça a été assez intéressant de voir qu'en termes de conscience écologique, on est quand même encore vraiment un cran en arrière. Même quand ils n'avaient pas le président qu'ils ont aujourd'hui, on voyait vraiment une différence avec notre conscience européenne et donc c'est plutôt positif pour nous et plutôt inquiétant pour eux. Par contre, ce qui a vraiment marché aux États-Unis et ce qui fait que tout marche très bien aux États-Unis aujourd'hui, c'est tout le contexte social qu'il y a aussi, où les prix se sont envolés comme jamais. Aujourd'hui, To Good To Go est une solution autant sociale qu'écologique. Et c'est ça qui fait que ça marche dans les 20 pays dans lesquels on est présent.

Vous n'êtes plus tout à fait la grande patronne opérationnelle de To Good To Go. Vous venez d'ouvrir, un lieu un peu spécial en plein Paris. Ça s'appelle la "Climate House", une sorte de vastes colloques, mais d'entreprises, elles sont 80. Toutes pensent que le climat aujourd'hui, c'est un sujet, les start up, les PME, les grands groupes, mais concrètement, qu'est ce qui va en sortir ?

On s'est réunis avec 80 entrepreneurs en se disant, la prise de conscience, elle est là, c'est bon, ça fait des années qu'on en parle. Comment est-ce que, concrètement, on passe à l'action ? L'idée, c'est qu'en tant qu'acteur économique, on reconnaît pleinement notre responsabilité dans cette transition accélérée, économique, écologique et sociale. Comment est-ce qu'on se réunit tous sous un même toit et qu'on s'inspire les uns les autres pour générer des actions d'ampleur sur tout un tas de sujets différents ? Dans la "Climate House", il y a à la fois des entreprises qui travaillent au quotidien, on les appelle des colloques, qui viennent eux aussi inspirer l'écosystème global de l'économie. Et donc ce qu'on propose aussi, c'est une programmation qui est vraiment transformante, à la fois au niveau individuel, parce que je pense que c'est important de se le rappeler, que ça commence en fait, au niveau des humains derrière et de comment est-ce que nous, on prend conscience et qu'on se donne espoir mutuellement pour avancer et pour sortir de cet immobilisme dont on parlait tout à l'heure. Ensuite, c'est au niveau de l'entreprise. Comment est-ce que là, aujourd'hui, on commence à travailler avec plusieurs grands groupes qui nous contactent en disant, on sait qu'on a encore tellement de chemin à faire ? Par contre, cette feuille de route et ces actions, elles sont difficiles à mettre en place parce que forcément, c'est très complexe. Et donc, comment est-ce qu'on les connecte avec les bons acteurs de l'écosystème, avec les entrepreneurs qui ont lancé ce lieu aussi pour leur permettre d'avancer et de poser les bonnes, les bonnes étapes ?

Peut-être encore plus pour ces très grandes entreprises, est-ce que ça ne risque pas d'être finalement un alibi vert, cette maison où il y a beaucoup de bonnes volontés ?

Oui, forcément, on en a beaucoup parlé au début du projet, parce que c'est vrai qu'on est aussi entouré de greenwashing. Nous, ce en quoi on croit profondément, c'est quand même en l'intentionnalité du dirigeant. C'est-à-dire qu'en fait, on a essayé pendant des mois de poser des grilles : avec qui on travaille ou pas. Au final, encore une fois, pour moi, ça revient aux humains derrière. Et aujourd'hui, quand il y a des patrons d'entreprises qui ont une vraie envie d'accélérer cette transition et qu'ils viennent nous voir en fait pour co-construire ensemble une feuille de route, derrière, en fait, on va vraiment travailler avec eux en commun et en fait, ça se voit très vite s'ils ont des vraies intentions derrière et s'ils sont prêts à y mettre les moyens aussi pour accélérer cette transition. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il y en a des chefs d'entreprise qui ont une vraie intention de réussir cette transition. Et nous, on leur fait confiance pour aller de l'avant. Après, la "Climate House" n'est en aucun cas un lieu de communication pour les grandes entreprises pour dire voilà ce qu'on y fait. 

"Si vous venez à la "Climate House" rue du Caire, vous verrez qu'il y a aucun logo, aucun financement qui n'a été pris par les grandes entreprises non plus."

Lucie Basch

sur franceinfo

Mais par contre, il y a des entreprises qui viennent au quotidien travailler sur place et qui ont vraiment les intentions de transitionner. Et après nous, on aura un vrai rapport d'impact avec des mesures de performance qui vont nous permettre aussi d'identifier l'impact de la "Climate House" sur l'écosystème.

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