Emploi : "On reste sur un marché de l'emploi qui est encore dynamique, en revanche, il freine", analyse le directeur délégué de Hellowork

La plateforme de recrutement vient de publier son baromètre annuel de l'emploi 2024. David Beaurepaire, le directeur délégué de Hellowork est l'invité éco de franceinfo jeudi 9 janvier.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
David Beaurepaire, directeur délégué de Hellowork, le 9 janvier 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"On reste sur un marché de l'emploi qui est encore dynamique, en revanche, il freine", analyse, jeudi 9 janvier, David Beaurepaire, directeur délégué de Hellowork, qui dévoile son baromètre annuel de l'emploi sur franceinfo. Hellowork est une plateforme de recrutement qui a diffusé 11 millions d'offres d'emploi en 2024 et reçu 76 millions de candidatures. Selon eux, 2024 a été une année dynamique, mais avec un fléchissement au dernier trimestre avec -8% d'offres d'emploi.

Selon David Beaurepaire, il y a deux hypothèses pour 2025. La première est celle "où cette dynamique perdure sur toute l'année 2025 et on a un marché de l'emploi qui commence vraiment à se gripper". Et la seconde est celle d'"une reprise au second semestre, à partir du moment où on aura un environnement politique et budgétaire stabilisé".

franceinfo : Pour résumer, ce que vous dites, c'est que 2024 a été une année dynamique pour le recrutement en CDI, mais avec un fléchissement au dernier trimestre.

David Beaurepaire : En 2024, on est sur un volume d'offres diffusées sur notre plateforme de 4,9 millions d'offres d'emploi en CDI, avec une croissance de 6%. Donc on a tendance à penser que l'année 2024, finalement, a été positive. Il s'avère qu'elle a été vraiment coupée en deux périodes. Un premier semestre dynamique, une bascule au niveau du mois de juin avec un moment de flottement autour de la dissolution, une reprise au cours de l'été avec les JO et un dynamisme du tourisme. En revanche, à partir de septembre et octobre, là, il y a un vrai fléchissement, un vrai point d'inflexion, et une baisse au cours du quatrième trimestre puisqu'on est sur -8% d'offres d'emploi. Donc, ce sont 100 000 offres d'emploi en CDI en moins par rapport au dernier trimestre de 2023.

Comment l'expliquez-vous ?

On l'explique par l'attentisme du côté des entreprises, la remise en cause de certains projets qui sont repoussés pour l'instant, peut-être pas tous annulés, donc on repousse également des projets de recrutement. Ça, c'est du côté des entreprises.

"Il y a un autre pan qu'on n'identifie pas toujours : du côté des personnes en poste, qui vont remettre en cause ou repousser des projets de démission éventuelle pour changer de poste, parce qu'ils appréhendent des risques plus importants."

David Beaurepaire

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C'est-à-dire qu'il y a moins de mobilité, on ose moins se dire : "allez, je me lance, j'ai envie de changer" ?

On va commencer un petit peu moins à oser. Donc un petit peu moins de mobilité professionnelle pour les personnes en poste. Et ça veut dire que ce sont des postes qui sont la plupart du temps remplacés, et donc la possibilité pour des personnes qui sont au chômage de se positionner et donc de retrouver un emploi. Donc un marché de l'emploi qui pourrait avoir tendance à se gripper.

Quels types de métiers, quels secteurs trouve-t-on sur Hellowork ?

Actuellement, nous avons 800 000 offres d'emploi sur la plateforme, donc on a tout type de secteurs d'activités ou de métiers, des métiers non qualifiés, aux métiers très diplômés, très qualifiés. Mais l'enjeu, c'est plutôt de voir les tendances et les évolutions.

"On a des secteurs d'activité en recul : la construction, ce n'est pas une surprise, structurellement, on est sur un marché difficile, l'immobilier, mais la banque assurance recrute moins également. Et puis on a des métiers qui continuent à beaucoup recruter : les services à la personne, la santé, les fonctions commerciales également. Pour l'instant, on est pas du tout sur un marché de l'emploi qui s'est effondré."

David Beaurepaire

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On est sur une conjoncture.

On est sur quelque chose de très conjoncturel. Si on compare le marché de l'emploià ce qu'il était avant la crise sanitaire, on reste sur des volumes d'offres d'emploi qui sont supérieurs à ce qu'ils étaient. Donc, on reste sur un marché de l'emploi qui est encore dynamique, en revanche, il freine.

Vous parliez des postes, des métiers de la santé notamment. Il y a des secteurs qui, structurellement, ont besoin de plus de postes et n'arrivent peut-être pas encore assez à recruter ?

Absolument. Les difficultés de recrutement, elles perdurent dans plein de secteurs d'activité. Dans l'industrie également, on parle beaucoup de la réindustrialisation, mais il y a des difficultés de recrutement dans les métiers de l'industrie parce qu'on n'a pas formé pendant des années. Le secteur de la santé, avec des difficultés aussi d'attractivité de ces métiers. Et puis, il y a des spécificités de bassins d'emploi. On parle de l'emploi en France, mais il est très différent entre des bassins très dynamiques...

Vous avez regardé un par région.

Par région, par métropole et on voit qu'on a des bassins d'emploi où il y a un taux de chômage qui est de 4% et donc ça reste très compliqué de recruter, des bassins où c'est beaucoup plus compliqué pour les personnes qui sont à la recherche d'un emploi. Mais on voit que l'Occitanie, l'Auvergne-Rhône-Alpes continuent de tirer leur épingle du jeu et d'être en croissance. C'est moins le cas du côté des Hauts-de-France ou de la Bourgogne-Franche-Comté.

Comment l'expliquez-vous ?

Ce sont aussi les dynamiques économiques propres à chacun de ces territoires. Les métropoles, notamment, continuent de tirer beaucoup d'emplois. Pas uniquement, mais en tout cas, c'est le cas de certaines. Et puis après, derrière, vous avez les dynamiques démographiques de ces territoires.

Vous avez regardé du côté des grandes métropoles : Lyon +5,5%, Marseille +10%, Nantes +6,4, Toulouse +8 et Paris qui stagne.

Ce qui est toujours intéressant, c'est de voir que la localisation du poste Paris, ce n'est pas l'Île-de-France, c'est la localisation Paris en tant que telle du poste. Après, là, on est sur des chiffres qui sont des chiffres annuels. Ce ne sont pas les chiffres du dernier trimestre. Sur le dernier trimestre, ces tendances-là seraient très probablement négatives également.

Il y a eu la pandémie, il y a le développement du télétravail. Est-ce que ça a changé la donne ?

Ça a changé la donne. En revanche, ça n'a changé la donne que pour 33% des salariés en France. Parce que les postes télétravaillables, ce n'est qu'un tiers des postes. La majorité des postes, finalement, ne sont pas télétravaillables. Et pour ces postes-là, effectivement, ça a changé la donne sur la localisation, sur le fait de pouvoir avoir un parcours un peu pendulaire sur trois jours dans la semaine et deux jours sur lesquels je suis en télétravail, donc je peux habiter un petit peu plus loin.

"Oui, le télétravail a remodelé quelque peu le territoire, mais ça n'a pas été non plus une grande révolution."

David Beaurepaire

sur franceinfo

On a votre baromètre qui montre qu'il y a moins d'offres de recrutement en CDI au dernier trimestre 2024. Qu'est-ce qui peut se passer en 2025 ?

De notre côté, on pense qu'il y a deux hypothèses. On a une première hypothèse où cette dynamique perdure sur toute l'année 2025 et on a un marché de l'emploi qui commence vraiment à se gripper. La seconde étant qu'on ait une reprise au second semestre, à partir du moment où on aura un environnement politique et budgétaire stabilisé, où les chefs d'entreprise sauront à peu près où ils peuvent aller, où ils peuvent investir et qui permettra d'avoir un peu plus de visibilité sur la suite.

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