Entreprises : l'économie sociale et solidaire "ne sera pas simplement une partie, mais un modèle pour l'économie"
Après une première édition réussie à l'Assemblée nationale en 2023, Impact Tank, avec le Groupe SOS, organise jeudi 18 avril, le deuxième sommet de la Mesure d'impact au Conseil économique, social et environnemental. Ce sommet, qui sera inauguré par le Premier ministre Gabriel Attal, cherche à repenser les modèles de fonctionnement de l'entreprise, en considérant son rôle et sa responsabilité vis-à-vis de l'intérêt général. Ce sommet rêve de "changer le système", qui passerait par une entreprise qui se soucie des plus précaires, des plus fragiles dans la société.
L’organisateur Jean-Marc Borello est une figure de l'économie sociale et solidaire. Fondateur et président du Groupe SOS, association spécialisée dans l'entrepreneuriat social qui fête cette année ces 40 ans d'existence.
franceinfo : Comment concrètement ça se mesure, l'impact réel de l'aide aux plus fragiles ?
Jean-Marc Borello, président du groupe SOS : La mesure de l'impact est un sujet qui nous paraît essentiel depuis longtemps. Il faut être capable de mesurer les impacts d'une entreprise, d'une administration. Les impacts économiques, on sait le faire avec des bilans comptables depuis très longtemps. Les bilans écologiques, on sait aussi mesurer les tonnes de CO2 et les instruments progressent. La mesure de l'impact social, c'est beaucoup plus complexe. Et l'idée c'est que se mettre d'accord.
L'économie sociale et solidaire, ça existe depuis longtemps pourtant.
Ça existe depuis plus d'un siècle effectivement.
"Aujourd'hui, l'économie sociale et solidaire est une part importante de l'économie. Et demain ça ne sera pas simplement une partie, mais un modèle pour l'économie."
Jean-Marc Borelloà franceinfo
Mesurer à la fois les impacts économiques, les impacts écologiques et les impacts sociaux nous paraît les externalités positives d'une entreprise, quelle qu'elle soit. On doit les mesurer pour être d'accord sur les critères qu'on va chercher. C'est la data : qu'est-ce qu'on repère dans la mise en place d'une politique sociale, quelle qu'elle soit ? Comment les analyser ? Et où en est-on par rapport à l'atteinte de l'objectif ?
Il n'y a pas d'idéologie là-dedans. Ça ne "résout" pas. Ça permet d'éclairer avec un outil objectivé entre des chercheurs, des administrations publiques - d'où la présence du Premier ministre, et de six ou sept ministres dans la journée - et des entreprises classiques, puisque nous aurons 300 patrons qui viendront parler de la mesure de l'impact social ou sociétal dans leur entreprise en particulier.
Pourquoi est-ce si important de créer un référentiel commun ?
Ça évite de s'envoyer au visage des idéologies sur ce qui est utile, inutile, superflu. Ça permet de se mettre d'accord sur l'objectif qu'on peut atteindre et comment on le mesure.
Quelques exemples, peut-être ?
Nous avons découvert il y a quelques années, dans nos centres d'hébergement d'urgence de SOS, que 30% de nos usagers étaient des anciens gosses de l'aide sociale à l'enfance. Et on n'avait jamais mesuré l'efficience de l'aide sociale à l'enfance, même si aujourd'hui on en parle de plus en plus - une parlementaire est en mission sur ce thème.
On se dit que si on prend en charge des enfants, que les départements y consacrent beaucoup d'énergie et beaucoup d'argent, et qu'un tiers d'entre eux se retrouvent à 18 ans et un jour dans des accueils d'hébergement d'urgence, c'est qu'on a loupé quelque chose. Donc, comment fait-on pour mesurer toutes ces politiques ? Comment fait-on pour vérifier si l'objectif a été atteint ? Et comment fait-on pour les amplifier quand ça fonctionne, et les supprimer lorsque ça ne fonctionne pas ?
Est-ce qu'il faut créer un système de points, un système de bonus-malus, un index comme il en existe pour l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ?
Il faut d'abord tomber d'accord sur les mesures que nous souhaitons faire, c'est le premier sujet. Il faut mettre d'accord les chercheurs - des universités ou des grandes écoles -, l'ensemble des entreprises, les pouvoirs publics et le monde associatif. Évidemment les politiques publiques doivent être remises en question parce qu'elles doivent s'adapter au monde qui les entoure et le monde associatif en général gère ces politiques sociales. Une fois ces paramètres connus, ça permet de faire grandir ce qui fonctionne et sans doute de faire disparaître ce qui ne sert à rien.
Mais les entreprises ont déjà des obligations en la matière, ça s'appelle la RSE, la Responsabilité sociale des entreprises ?
Oui, elles disposent d'outils extrêmement performants sur l'économique et sur l'écologie, mais ici, "sociale", ça veut dire les relations sociales, ça ne veut pas dire forcément l'impact social. On ne peut pas mettre en place de politiques de transformation écologique ambitieuse sans la participation des citoyens et des plus précaires. Voyez les portiques pour vérifier les allées et venues des camions sur les routes de France, ça se transforme en "bérets rouges", et l'augmentation du prix du diesel pour que les véhicules deviennent moins polluants, ça donne les "gilets jaunes".
"Il n'y a pas de logique économique, il n'y a pas de transition écologique, s'il n'y a pas une évaluation de l'impact social. On ne change pas le monde sans ses habitants."
Jean-Marc Borelloà franceinfo
Je rappelle que vous êtes au bureau exécutif d'En Marche, vous savez que le gouvernement est à la recherche d'économies, 10 milliards supplémentaires à trouver pour 2024 et en parallèle, un projet de durcissement des règles de l'assurance chômage. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Encore une fois, si l'idée c'est de privilégier ce qui permet le retour à l'emploi plus rapidement, pour les seniors, pour ceux qui sont plus en difficulté, pourquoi pas ? L'important n'est pas de mettre un coup de rabot sur les dépenses publiques. Il y a des dépenses qui sont de l'investissement pour l'avenir. Éduquer un enfant, c'est une dépense et un formidable investissement. Ne pas l'éduquer, c'est une économie, qui coûte ensuite beaucoup plus cher.
Donc encore une fois, quelles que soient les politiques, y compris les politiques sociales, mesurons l'impact et sachons faire la différence entre les investissements sociaux qui rapportent à l'ensemble de la société et qui permettent l'épanouissement individuel et les coups de rabot qui à certains moments peuvent empirer la situation des deux.
Retrouvez cette interview en vidéo :
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.