Futur Premier ministre : "Les chefs d'entreprise se sont mis en mode pause depuis la dissolution, il faut se remettre au travail", souligne le président de la CPME

La France est toujours en attente de son prochain gouvernement alors que les dossiers commencent à s'accumuler, notamment du côté du budget et du ministère de l'Économie. La Confédération des petites et moyennes entreprises a écrit une lettre ouverte au futur Premier ministre. Son président François Asselin est l'invité éco de franceinfo.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8 min
François Asselin, président de la CPME. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

François Asselin est le président de la Confédération des Petites et Moyennes entreprises, organisation patronale qui représente les patrons de PME. Samedi 30 août, la CPME a décidé d'envoyer une lettre ouverte au futur Premier ministre, l'appelant "à prendre à bras-le-corps les questions cruciales pour le pays."

franceinfo : Pourquoi cette initiative ? Est-ce que vous trouvez le temps long ?

Pour deux raisons. D'abord, nous, chefs d'entreprise, de PME ou de TPE, on vit dans la réalité. Notre réalité, c'est de voir un environnement qui devient de plus en plus hostile. En juillet, les chiffres de la sinistralité des entreprises ne sont pas bons. Les défaillances d'entreprises ne sont pas bonnes, sur un an, glissant, on dépasse les 63 000 défaillances d'entreprises. C'est considérable et on ne peut plus l'expliquer par la période post-Covid, il faut commencer à rembourser ses dettes. On est sur des statistiques qui prouvent que globalement les signaux ne sont pas très positifs. Nous revenons aux affaires dans un pays où il n'y a personne aux affaires, donc, il faut effectivement se remettre au travail. On a perdu, depuis la dissolution, la visibilité et la stabilité. En matière économique, il y a toujours "la main invisible" qui s'appelle la confiance et sans cette confiance, on ne prend pas de décision. Depuis cette dissolution, les chefs d'entreprise se sont mis en mode pause et ça, ce n'est pas du tout bon pour les affaires.

Vous constatez vraiment, un attentisme de la part de vos adhérents ? Ils attendent de voir ce qu'il va se passer ?

Oui parce que lorsque vous n'avez pas de Premier ministre et que les programmes avancés par certains dans l'hémicycle font que vous risquez de voir des dispositifs qui vont à rebrousse-poil par rapport à ce dont nous avons besoin, bien évidemment, ça nous inquiète. Là, nous disons attention, on ne vit pas dans un monde parallèle.

Comment se traduit cet attentisme de la part des chefs d'entreprise ?

Lorsque vous décidez d'investir, vous vous mettez en mode pause, vous n'investissez pas. Ensuite, vous décidez de recruter, vous allez peut-être vous poser la question trois fois avant de poser un acte de recrutement. Ce qui fait que tout simplement, ça ne nourrit pas la croissance, ça ne nourrit pas l'économie. Et derrière, vous voyez votre activité gentiment s'éroder et ça, ce n'est absolument pas bon. 

"Lorsque vous êtes dans un pays qui fait face à une dette abyssale et que rien ne se passe, vous finissez par être inquiet."

François Asselin

à franceinfo

Vous êtes aussi chef d'entreprise, est-ce que vous avez arrêté d'investir et de recruter ?

Pour l'instant, on fait la revue de tout ce qu'il faudrait pour investir, mais sans poser l'acte d'investissement. Quant au recrutement, eh bien, le premier levier de recrutement, c'est l'activité et si vous sentez qu'elle ralentit, vous n'allez pas recruter.

L'activité a pourtant été bonne cet été avec les Jeux olympiques, donc ce n'est pas une question d'activité ?

Pas pour tout le monde, effectivement, si vous regardez les entreprises qui sont dans la droite ligne des Jeux olympiques, bien évidemment, l'activité aura été bonne, mais pour le bâtiment, ce n’est quand même pas bon du tout. Pour les transports, ce n’est pas bon du tout. Pour les services à la personne, ce n’est pas très bon du tout non plus. La rentrée s'annonce quand même un petit peu chaotique et donc oui, il faut absolument regarder l'avenir tel qu'il est et l'avenir est exigeant. Si jamais on ne se met pas au boulot, ça risque d'être catastrophique pour l'économie du pays.

Dans votre lettre ouverte, vous écrivez qu'il faut un chef, de gouvernement, "pour faire en sorte que notre pays ne sombre pas dans un immobilisme synonyme de chaos." Est-ce que vous n'exagérez pas un petit peu ?

En matière économique, quand vous faites du vélo et que vous arrêtez de pédaler, dans une côte, eh bien vous tombez. Au niveau d'un pays, c'est exactement pareil. C’est-à-dire que d'ici quinze jours, il va falloir présenter une copie à Bruxelles sur l'évolution des finances du pays. Dans un mois et demi, il faudra placer sur les marchés un peu plus de 100 milliards d'euros de dette française. Si on ne donne pas de signaux positifs, si on ne rassure pas nos créanciers et si on ne rassure pas Bruxelles, je peux vous dire que la sanction peut venir de l'extérieur et ce n'est pas glorieux. C'est pour ça que nous sommes dans une situation où nous attendons bien évidemment que les choses soient reprises en main.

Mardi 3 septembre, vous avez rendez-vous à l'Élysée. Quel sera votre message ?

Je vais dire exactement ce que je viens de vous dire, à savoir que nous avons besoin de perspectives de stabilité en matière fiscale. Surtout, ne commençons pas à détricoter ce qui avait été tricoté pendant cette année. La stabilité est extrêmement importante, nous sommes les plus ponctionnés d'Europe et nous, ce qu'on demande, c'est le statu quo. 

"Sur les impôts de production, nous voudrions que les promesses soient tenues et surtout, nous sommes inquiets, nous aussi, comme tous les Français, sur l'évolution de la dette publique, parce que si on ne résout pas ce problème, nous risquons tous d'être impactés."

François Asselin

à franceinfo

Un sujet important pour les Français, c'est le pouvoir d'achat et c'est la hausse des salaires. Ça fait partie des programmes, notamment, le Nouveau Front populaire qui veut porter le SMIC à 1 600 € net par mois. Ce n'est pas ce que veut Emmanuel Macron, mais il n'abandonne pas l'idée d'augmenter les bas salaires en passant par le fait de revoir les exonérations de cotisations. Est-ce que vous y êtes favorable ?

Retravailler sur l'échelle des exonérations, pourquoi pas, on avait commencé d'ailleurs ce travail avec une mission diligentée par l'Elysée. Les concentrer sur les bas salaires, pourquoi pas. Ce qu'il faut faire, très attention, c'est de maîtriser notre coût du travail. Bien évidemment, commencer par 1 400 € net en France, ce n'est pas évident de tenir les deux bouts de la ficelle, surtout si on habite dans une grande ville.

Ça signifie que si les exonérations de cotisations étaient concentrées sur les bas salaires, ça vous inciterait, vous chefs d'entreprise, à augmenter les salaires ?

Déjà, ça vous permet de rester compétitifs. Parce que généralement, quand vous avez ces salaires dans votre entreprise, c'est qu'en face, vous avez un marché qui ne vous permet pas d'augmenter les salaires. L'objectif, c'est d'augmenter les salaires, donc regardons effectivement comment on peut le faire sur l'échelle des exonérations, comment on peut améliorer les choses. Par contre, le faire à isocoût, ça sera extrêmement complexe.

Un nom qui circule pour Matignon avec insistance depuis ce matin, c'est celui du président du Conseil économique, social et environnemental, Thierry Beaudet. Avant cela, il était à la tête de la Mutualité française. Est-ce que vous le connaissez et est-ce que c'est un bon choix ?

Oui, je le connais bien. C'est quelqu'un de consensuel, d'ailleurs, quand on est à la tête du Cese, il faut savoir pratiquer le consensus. Maintenant, être à la tête d'un gouvernement, ça signifie passer du consensus au dissensus en permanence. Donc c'est une autre mission, une autre fonction et un autre métier. Toujours est-il, que ce soit lui ou quelqu'un d'autre, il aura devant lui une tâche considérable à effectuer. Il ne pourra pas s'affranchir du principe de réalité, ce que nous connaissons, nous, tous les jours dans nos entreprises.

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