Hausse de la taxe sur l'électricité : "Taxons l'électricité décarbonée qu'on produit et continuons d'importer de l'énergie fossile", ironise la présidente de l'UFE
La taxe sur l'électricité a baissé pendant la guerre en Ukraine pour limiter la flambée des prix et pour maintenir le pouvoir d'achat des Français. C'est ce que l'on a appelé le bouclier tarifaire. Or, aujourd'hui, le gouvernement a prévu d'augmenter à nouveau cette taxe, alors "qu'aujourd'hui, l'électricité décarbonée est beaucoup plus taxée que les autres énergies importées fossiles", rappelle la présidente de l'Union française de l'électricité Christine Goubet-Milhaud.
Elle appelle le gouvernement et les parlementaires, à "faire preuve de responsabilité sur ce plan" et rappelle que "dépendre des énergies fossiles, c'est accepter d'avoir une énergie que l'on consomme, qui est volatile".
franceinfo : Est-ce que vous comprenez que les producteurs et les consommateurs d'électricité participent à cet effort collectif demandé aux Français ?
Christine Goubet-Milhaud : Tout d'abord, je voudrais revenir sur la facture d'électricité, car ce n'est pas si simple que ça de savoir qu'elle comporte trois briques, trois composantes. Une partie production, fourniture des électrons, une deuxième partie sur l'acheminement, les réseaux de distribution jusqu'à la maison ou jusque dans l'entreprise. Et la troisième partie qui est composée par des taxes. C'est de cela dont on va parler.
L'idée, c'est de faire rentrer 3 milliards d'euros supplémentaires dans les caisses de l'État avec cette fameuse taxe.
Dans le PLF 2025, c'est encore assez flou à ce niveau. On entend porter ce niveau de taxe de 25euros le mégawattheure, à 50 euros le mégawattheure, ce qui ferait un doublement de cette taxe sur l'électricité décarbonée. J'insiste là sur ce point aussi. Il y a du flou. Mais nous attendons que le gouvernement précise, ait une forme de transparence sur le niveau de cette augmentation de taxe.
"La partie taxe de la facture d'électricité est 11 fois plus importante que sur le fioul domestique et neuf fois plus importante que sur le gaz naturel."
Christine Goubet-Milhaud, présidente de l'Union française de l'électricitéà franceinfo
Le gouvernement ne peut pas le dire aujourd'hui, car l'augmentation dépendra de l'augmentation des prix du marché. Ça, on peut le comprendre ?
Mais doubler cet effort fiscal pour rétablir l'équilibre budgétaire. Est-ce normal ? Nous pensons, en tant que professionnels, que l'augmentation de la taxation, qui est déjà très importante, très lourde, ne doit pas obérer le prix du service, la production et la fourniture, qui font les deux autres parties de la facture.
L'association UFC-Que Choisir dénonce aujourd'hui un scandale fiscal. Est-ce qu'elle a raison de le faire ?
Oui, car c'est une aberration, voire une incohérence. Et j'en donnerai une deuxième illustration, c'est qu'aujourd'hui, l'électricité décarbonée est beaucoup plus taxée que les autres énergies importées fossiles.
Agnès Pannier-Runacher a précisé qu'il y aurait également une augmentation de la taxe sur le gaz.
Je prends acte, mais il faut encore que ça se traduise dans le projet de loi. Aujourd'hui, ça n'y est pas. On avait plutôt l'impression qu'il y avait une baisse de la taxation des autres énergies importées. Et c'est une aberration parce que l'électricité décarbonée est un outil de notre indépendance énergétique.
"Il ne faut pas oublier que la balance commerciale de la France est déficitaire en termes d'importation d'énergie fossile, et excédentaire en terme de production d'électricité décarbonée."
Christine Goubet-Milhaud, présidente de l'Union française de l'électricitéà franceinfo
Donc, vous pensez que ce n'est pas le moment de taxer l'électricité ?
Si on veut empêcher la décarbonation, alors allons-y ! Taxons l'électricité décarbonée. Et là, effectivement, la compétitivité entre ce que l'on importe et ce que l'on produit, elle va être totalement dégradée.
Sachant qu'EDF va aussi participer à l'effort avec un dividende exceptionnel de 2 milliards d'euros. Vous avez l'impression que l'électricité est particulièrement mise à contribution dans ce budget ?
Nous attendons surtout une forme de cohérence entre la fiscalité relative des différentes énergies, pour encourager les Français à changer leur consommation. Bien sûr, il y a la sobriété, mais il y a aussi le fait de passer à des solutions électriques qui font qu'on va moins émettre de carbone.
Donc ce n'est pas en adéquation avec nos ambitions environnementales.
On ne veut pas la double peine, si, en même temps, on réduit les mesures d'accompagnement des ménages pour l'achat des solutions électriques et on augmente la fiscalité d'électricité. Cette augmentation qui va de plus amputer la capacité de moderniser les réseaux et d'investir dans l'intérêt national. Parce que c'est notre intérêt national d'avoir de la production d'électricité décarbonée que nous utilisons dans nos usages énergétiques.
"Aujourd'hui, deux tiers de nos usages énergétiques dans le bâtiment, dans la mobilité, dans l'industrie, relèvent encore des énergies fossiles."
Christine Goubet-Milhaud, présidente de l'Union française de l'électricitéà franceinfo
La facture d'électricité va quand même baisser, de l'ordre de 9%, promet le gouvernement. Qu'est-ce que vous attendez aujourd'hui du débat parlementaire, puisqu'on sait que le budget, ce n'est pas terminé, ça ne fait que commencer.
Avec l'Union française de l'électricité, nous appelons depuis de nombreuses années à une réforme structurelle de la fiscalité énergétique, justement pour favoriser l'électricité décarbonée produite nationalement, qui crée des emplois sur nos territoires, plutôt que d'importer des énergies fossiles.
Donc c'est un débat de long terme.
Mais là, il y a urgence, alors comment on règle cette question ? Eh bien, peut-être qu'au pied du mur, on va enfin réussir à ouvrir ce chantier. Et là, j'appelle toutes les bonnes volontés, et en particulier les parlementaires, à faire preuve de responsabilité sur ce plan. J'appelle le gouvernement à faire preuve de transparence sur le niveau de cette augmentation de taxe, qui est mise au débat parlementaire. Et en attendant, on pourrait peut-être maintenir le niveau de la fiscalité à son niveau actuel. Et ouvrir ce chantier pour rétablir l'attractivité de l'électrification, dans une logique de pouvoir d'achat, de maîtrise de notre facture. Parce que finalement, dépendre des énergies fossiles, c'est accepter d'avoir une énergie que l'on consomme, qui est volatile.
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