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Jacques Creyssel (FCD) : "On va faire en sorte de mettre fin à la guerre des prix"

Jacques Creyssel, président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), était l'invité de l'interview éco vendredi, pour évoquer les déclarations de Michel-Edouard Leclerc dans le cadre des états généraux de l'alimentation.

Article rédigé par franceinfo
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Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du Commerce et de la Distribution, invité sur franceinfo. (FRANCEINFO)

Alors que Michel-Edouard Leclerc, l'un de leaders de la grande distribution, reproche à ses concurrents, dans le cadre des états généraux de l'alimentation, d'augmenter les prix sous prétexte d'aider les agriculteurs, Jacques Creyssel, président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), qui regroupe, entre autres, Carrefour, Monoprix, Hyper U ou Aldi, lui répond, vendredi 29 septembre, sur franceinfo, en affirmant vouloir "mettre fin à la guerre des prix".

franceinfo : Les commerces alimentaires vont avoir le droit d'ouvrir plus souvent, et plus longtemps, le dimanche, à Paris, et en soirée partout en France : pourquoi voulez-vous ouvrir tout le temps ?

Jacques Creyssel : Les consommateurs veulent, aujourd'hui, pouvoir faire leurs courses le dimanche ou le soir, parce que ça correspond à leur mode de vie. De plus, le commerce électronique, aujourd'hui, a changé la donne : Amazon, par définition, a le droit d'ouvrir le dimanche. La Poste, aujourd'hui, a le droit le livrer le dimanche, et malheureusement, nous avons encore des contraintes un peu anciennes qui nous interdisent d'ouvrir le dimanche.

Si on va au bout de cette logique, internet permet de faire ses courses 24h/24 : voulez-vous ouvrir tous vos magasins la nuit ?

L'important est déjà de faire en sorte de pouvoir les ouvrir 7j/7, et puis une très grande partie de la soirée. Si vous prenez l'exemple de Paris, beaucoup de Parisiens rentrent tard, ils ont besoin de pouvoir faire leurs courses à 21h, 21h30. Les magasins sont pleins, d'ailleurs, à ce moment-là. L'après-midi du dimanche est souvent le plus grand chiffre d'affaires de la semaine, parce que c'est le moment où les consommateurs se font souvent plaisir, c'est l'apéro du dimanche soir.

Vous parlez des courses que l'on peut faire dans des magasins ouverts illégalement le dimanche après-midi ?

Il y a un usage, depuis très longtemps, qui est que les magasins alimentaires sont ouverts dans les grandes villes le dimanche toute la journée, de même qu'ils étaient ouverts le soir. On avait, et on a encore, une vraie difficulté qui est que ces usages sont progressivement remis en cause. A Paris, on avait une règle très particulière qui datait de 1990, dans laquelle les magasins devaient être ouverts soit le dimanche, soit le lundi, ce qui aujourd'hui, est complètement obsolète. Nous avons donc demandé au préfet de Paris, avec l'ensemble des commerces de proximité, de pouvoir supprimer cet accord et cet arrêté, c'est désormais fait depuis quelques semaines.

Et le dimanche après-midi ? Voulez-vous ouvrir toutes les enseignes alimentaires ?

Sur le dimanche après-midi, nous demandons depuis longtemps à pouvoir ouvrir dans les grandes villes, ou dans des villes un peu plus petites - mais pas sur tout le territoire - les commerces alimentaires lorsqu'il y a des clients. Lorsque les clients sont là, il n'y a aucune raison de ne pas pouvoir les satisfaire. Encore une fois, le dimanche après-midi, c'est le jour le plus important de la semaine pour beaucoup de magasins de proximité, parce que, les samedis, c'est un moment où, très souvent, dans les familles on a des activités sociales.

Et les familles des salariés ?

Les salariés sont des volontaires, les règles sont fixées par une loi. Il y a beaucoup de professions dans lesquelles il y a, aujourd'hui, du travail qui se fait [le dimanche], il y a des conditions spécifiques. Naturellement tout ceci, dans notre esprit, ne peut se faire qu'après un accord social. C'est une condition qui a été posée. C'est la même chose pour le travail de soirée : nous avons un usage qui est que, quand vous allez à Paris ou dans un certain nombre de villes, vous voyez bien que les magasins alimentaires sont ouverts jusqu'à 22h ou 23h. Ceci commence à être mis en cause par les tribunaux. Dans les ordonnances "travail" qui viennent d'être adopté par le Conseil des ministres, nous avons réussi à obtenir qu'il y ait une sécurisation des accords antérieur.

Là où il y a un accord social, jusqu'à quelle heure ces magasins doivent-ils ouvrir ?

Ils peuvent ouvrir comme ils le souhaitent. La pratique est souvent 22h ou 23h, dans la plupart des cas, ce qui correspond aux souhaits des clients. Encore une fois, nous ouvrons les magasins quand il y a des clients, lorsqu'il y a du chiffre d'affaires, lorsque ça correspond à ce que veulent les consommateurs.

Les Etats généraux de l'alimentation ont lieu en ce moment. Michel-Edouard Leclerc, grande figure du secteur, vient de provoquer une polémique : il accuse les industriels et les autres distributeurs, notamment ceux que vous représentez, de préparer une hausse des prix massive, jusqu'à 15%, sous prétexte, dit-il, d'aider les agriculteurs. Est-ce vrai ?

Cette polémique est assez lamentable, parce que ce qui est dit est totalement faux. On parle d'un sujet qui est qu'aujourd'hui, il y a une règle assez complexe qui s'appelle le "seuil de revente à perte", qui, en gros, ne prend pas en compte les coûts de la distribution. Cette mécanique conduit à faire en sorte que, sur un certain nombre de produits, il y a une marge extrêmement basse, et que du coup, il y a naturellement des marges plus élevées, par exemple sur des produits agricoles ou des produits à marque PME, ce qui est mauvais. L'idée est donc tout simplement de faire en sorte que les distributeurs n'aient plus le droit de vendre à perte, de façon à faire en sorte qu'il y ait des équilibres meilleurs qui se fassent. Autrement dit, il s'agit de lutter contre la guerre des prix.

Guerre des prix que vous avez alimentée les uns et les autres ces dernières années et dont les agriculteurs se sont plaints…

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation totalement nouvelle : nous sommes dans une situation dans laquelle les agriculteurs, les industriels et les distributeurs, sauf un, veulent sortir de cette situation, qui est mauvaise pour tout le monde, qui a conduit à ce que les distributeurs, aujourd'hui, sont dans une situation difficile au moment où il faut investir pour faire face au géants transnationaux du commercé électronique, les PME agroalimentaire ont vu leurs marges diminuer, les agriculteurs, sont dans la situation que l'on connaît, et la priorité absolue est de faire en sorte qu'ils puissent vivre dignement de leur métier. On est en train de mettre en place quelque chose, dans le cadre des états généraux de l'alimentation, qui est vraiment une chance unique, dans laquelle, d'un côté, on va faire en sorte, grâce au relèvement du seuil de revente à perte qui est critiqué par Michel-Edouard Leclerc, de mettre fin à la guerre des prix. Deuxièmement, on va essayer de mettre fin à la guerre des promotions : on voit bien, aujourd'hui, qu'on va vers des niveaux de promotion qui sont complétement excessifs, la valeur des produits disparait en tant que telle, on ne sait plus quel est le bon prix pour un produit. Et puis, enfin, naturellement, il faut que tout ceci profite directement aux agriculteurs, et c'est pour ça qu'on va changer les règles.

Pour les consommateurs cela veut dire une hausse dans les rayons…

Non, cela veut dire une péréquation différente entre les produits : il y a des produits dont les prix vont un peu augmenter, d’autres dont les prix vont baisser, et le tout, c'est de faire en sorte que l'on aille vers une situation dans laquelle l'agriculture française se porte mieux, c'est notre objectif à tous, sauf visiblement à l'un d'entre eux.

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