Jean-Dominique Senard (Michelin) : "Les entreprises doivent mettre en avant leur âme"
Jean-Dominique Senard, président de Michelin, était l'invité de "L'interview éco, vendredi soir, pour évoquer le rapport sur le rôle des entreprises dans la société qu'il a rédigé et rendu au gouvernement en compagnie de l’ex-dirigeante de la CFDT, Nicole Notat.
"L’entreprise ne peut plus être vue comme une espèce d’entité froide qui génère de la méfiance", a indiqué Jean-Dominique Senard, président de Michelin, sur franceinfo vendredi 9 mars. Le patron de Michelin et l’ancienne dirigeante de la CFDT, Nicole Notat, ont rendu leur rapport au gouvernement, sur le rôle des entreprises dans la société. "Fondamentalement, il y a une recherche de sens", chez les salariés. "C’est tellement clé, qu’on a voulu marquer dans le marbre, dans le code civil, que l’entreprise ne travaille pas uniquement pour ses actionnaires mais aussi en considérant les enjeux sociaux et sociétaux et environnementaux de son activité", a poursuivi Jean-Dominique Senard.
franceinfo : L’entreprise doit changer de rôle ? Créer de la richesse cela ne suffit plus ?
Jean-Dominique Senard : Avec Nicole Notat, nous avons reçu plus de 200 personnes venant de l’ensemble du spectre de la société française. Ce qui ressort, c’est une demande, une quête de sens. L’entreprise ne peut plus être vue comme une espèce d’entité froide qui génère de la méfiance. C’est le cas surtout chez les salariés. Il y a encore des soupçons et de la méfiance dans les grandes entreprises, beaucoup moins dans les petites entreprises. Fondamentalement, il y a une recherche de sens. Cela veut dire que pour créer de l’engagement, car l’engagement c’est la clé de la compétitivité de l’entreprise, il faut que les entreprises donnent du sens à leur action. C’est ce que nous appelons "avoir une raison d’être" et faire que cette raison d’être soit l’ADN de l’entreprise et génère toutes les grandes stratégies des entreprises. La seule contrainte que nous proposons, c’est que les entreprises se dotent d’une raison d’être et qu’à partir d’elle, toute la stratégie en découle.
Qu'est-ce que la raison d'être ?
C’est l’ADN, c’est ce qui donne de la substance à l’objet social, c’est une étoile polaire pour l’avenir. Par exemple, pour Michelin, c'est offrir à chacun une meilleure façon d’avancer. C’est donner de la formation aux équipes, leur permettre de s’épanouir. Le bien-être dans l’entreprise, ça passe par là. C’est tellement clé qu’on a voulu marquer dans le marbre, dans le code civil, que l’entreprise ne travaille pas uniquement pour ses actionnaires mais aussi en considérant les enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux de son activité.
Ces objectifs doivent-ils devenir obligatoires ?
Quand on inscrit dans le code civil, on envoie un message très fort. Il n’y a pas d’obligation, car on n’a pas voulu en faire un catalogue de contraintes avec Nicole Notat. Ce rapport est, au fond, un hymne à la société. Nous savons que les entreprises sont centrales, nous savons qu'elle crée de la valeur et de la richesse. Mais elles ont aussi une mission, une raison d’être, une âme et c’est ça qu'il faut mettre en avant. Il y a une attente profonde. Il y a un état d’esprit, mais pas de grandes contraintes.
Qu'est ce qui va changer dans la vie des salariés, dans la vie des entreprises ?
Je suis responsable de conseil d’administration d’entreprises, je vais valider la raison d’être de mon entreprise : pourquoi je suis là ? D’où je viens ? Où je vais, qu’est-ce qui nous tire ? Qu’est ce qui nous motive ? Et de là, je vais déduire toutes les performances que l’on appelle responsabilité sociale et environnementale et je vais tirer toute la stratégie de l’entreprise. Les gens sauront au moins pourquoi ils travaillent.
Le gouvernement a reçu votre rapport, que va-t-il retenir de vos propositions ?
Nous espérons beaucoup qu’il retiendra l’essentiel. En réalité, les propositions seront examinées très vite car elles seront intégrées dans la loi Pacte qui sera présentée par le ministre Bruno Le Maire, au mois d’avril au Parlement. Nous allons probablement avoir un débat parlementaire. Et nous avons vraiment le souci et l’espoir que nous serons suivis.
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