La hausse des taxes sur l'aérien "menace 11 500 emplois dans le secteur", affirme le PDG de Corsair
"Le gouvernement n'a pas fait d'études d'impact. Nous avons fait une étude d'impact par un organisme indépendant. On estime que l'augmentation de cette taxe menace 11 500 emplois dans le secteur aérien", affirme lundi 25 novembre Pascal de Izaguirre, PDG de la compagnie aérienne Corsair et président de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM).
Dans un amendement au projet de loi de finances, le gouvernement prévoit une hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, qui doit s'appliquer à partir du 1er janvier 2025. Le gouvernement espère dégager un milliard d'euros de recettes supplémentaires en 2025 grâce à ce nouveau barème. Le secteur aérien est vent debout.
franceinfo : L'actualité de votre compagnie, c'est ce vol Corsair qui n'a pas pu décoller vendredi de l'aéroport de Pointe-à-Pitre à cause d'un problème technique. Parmi les 320 passagers du vol, seuls ceux de la première classe et de la classe affaires ont été acheminés à l'hôtel. Les autres sont restés passer la nuit à l'aéroport. Comment l'expliquez-vous ?
Pascal de Izaguirre : Premier point, ce qui est désolant, c'est que ce soit un problème technique, parce que c'est arrivé sur un avion neuf. Nous en sommes en phase de renouvellement complet de la flotte. On aura bientôt 100% de la flotte équipée d'appareils de dernière génération. Donc, les pannes sont très rares. Malheureusement, là, il y a une loi des séries. Deuxième petite chose, nous n'avons pas de première classe, nous avons une classe affaires, une classe premium et une classe économie.
Donc ce sont ceux de la classe économie qui sont restés à l'aéroport.
C'est extrêmement désolant. On présente toutes nos excuses à nos passagers. Le problème, c'est que quand vous avez un événement comme cela, qui surgit de façon totalement inattendue, il faut que vous trouviez des capacités hôtelières, d'hébergement et, malheureusement, les capacités hôtelières n'étaient pas suffisantes. Donc, effectivement, il faut faire des choix et on a choisi les passagers de la classe affaires, parce que peut-être qu'il était plus difficile aussi de les reprojeter sur d'autres vols, d'autres compagnies. C'est toujours très compliqué. La politique de la compagnie Corsair, c'est de traiter au mieux tous ses clients en cas d'irrégularité d'exploitation et de ne pas lésiner, que ce soit en termes d'indemnisation, d'hébergement, de prestations alimentaires. Malheureusement, si vous n'avez pas de places dans les hôtels, la situation est très complexe.
L'actualité du secteur, c'est cette hausse de taxe de solidarité sur les billets d'avion, prévue pour faire entrer un milliard d'euros supplémentaires dans les caisses de l'État. Le secteur dénonce cette hausse avec virulence. Pourquoi ?
Pour une raison très simple : un milliard d'euros, c'est absolument gigantesque sur le secteur aérien.
"En plus, cette taxe s'ajoute à d'autres qui font qu'aujourd'hui le transport aérien français est le plus taxé en Europe."
Pascal de Izaguirresur franceinfo
Parmi les 27 membres de l'Union européenne, 20 pays n'ont aucune taxation spécifique à l'aérien et seuls sept ont une taxation. On était en concurrence, mais pas dans le bon sens, avec l'Allemagne. Avec la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, on devient le secteur le plus taxé.
Les tarifs des billets d'avion vont-ils augmenter ? Avez-vous commencé à chiffrer cette éventuelle hausse et pouvez-vous donner un ordre d'idée ?
Ça dépend bien sûr du barème qui sera retenu.
"Notre action, c'est de faire d'abord diminuer la hausse de cette taxe. Deuxièmement, c'est qu'elle ne soit pas pérennisée, mais qu'elle soit provisoire sur une durée d'un an. Et troisièmement, on voudrait bien que le produit de cette taxe soit fléché vers notre décarbonation."
Pascal de Izaguirresur franceinfo
Ce n'est pas du tout ce qui est prévu, puisque ça alimentera le déficit de l'État.
En même temps, c'est normal que tout le monde contribue à renflouer les caisses de l'État. La situation des finances publiques est extrêmement compliquée.
Quand on parle de transport aérien dans le budget de l'État, notre secteur n'est pas au volet dépenses, mais au volet recettes : nous apportons des recettes fiscales et nous ne coûtons rien au budget de l'État. Le transport aérien autofinance tous ses investissements.
De combien les billets d'avion peuvent-ils augmenter à partir du 1er janvier ?
Je vous donne un exemple, sur un vol Union européenne ou un vol vers les DROM, vous savez qu'il y a une hypersensibilité des clientèles antillaise ou réunionnaise vers l'Outre-mer, la taxe va passer de 2,63 euros en classe économique à 9,50 euros par sens.
L'Union européenne interdit l'exemption ou l'exonération pour les Outre-mer. Dans le barème qui est proposé par le gouvernement actuellement, les Outre-mer sont bien concernés. Ça représente donc 19 euros pour un aller-retour, et cette taxe s'ajoute à bien d'autres taxes…
Les compagnies aériennes vont-elles le répercuter sur le prix des billets d'avion ?
Ça va être intégralement répercuté. Toutes les compagnies ont commencé à le faire, parce que les compagnies aériennes sont dans une situation financière qui n'est pas brillante et sont incapables de prendre à leur charge cet aspect-là. Et ça nous désole, puisque vous savez qu'on veut entretenir le mouvement de démocratisation de l'aérien des dernières décennies.
Ryanair menace déjà d'arrêter de desservir dix aéroports régionaux français à partir du 1er janvier si la taxe est maintenue. Est-ce du chantage ?
Ryanair n'est pas membre de la FNAM, mais ce que je peux dire, c'est que cette décision n'est pas très surprenante. Ryanair est une compagnie low-cost, avec des tarifs de seulement quelques dizaines d'euros. La marge sur un vol d'une compagnie low-cost est de 6 à 7 euros, or la taxe est augmentée de deux fois 7 euros. Évidemment, c'est ce qui peut vous faire basculer dans une ligne qui devient non rentable. Ryanair a le choix d'ouvrir des lignes dans plusieurs pays européens avec plusieurs aéroports. Elle est en tension de capacité. Donc bien évidemment, elle ne s'interdit pas de fermer des lignes, ce qui aura des conséquences extrêmement négatives pour les aéroports de province et sur l'emploi. Le gouvernement n'a pas fait d'études d'impact, mais nous en avons commandé une à un organisme indépendant. On estime que l'augmentation de cette taxe menace 11 500 emplois dans le secteur aérien, sur 100 000 au total.
Demandez-vous tout simplement l'abandon de cette taxe ?
Nous ne rêvons pas, mais nous espérons en tout cas qu'elle soit diminuée et que l'impact ne soit pas d'un milliard d'euros. Concernant l'aviation d'affaires, il faut que vous sachiez qu'il y a un projet de taxe qui serait de 3 000 euros par passager sur un vol d'affaires long-courrier. Cela va tuer complètement l'aviation d'affaires. Et donc, après, vous avez les emplois, vous avez l'activité économique et la connectivité en région, vous avez l'attractivité du pays et de la destination France.
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