Lithium : "On a montré qu'on peut faire une mine durable et responsable", soutient Alessandro Dazza, le directeur général d'Imerys
"On n'a pas de pétrole, mais on a du lithium", disait Emmanuel Macron il y a un peu plus d'un an. Directeur général d'Imerys, Alessandro Dazza est en train d'explorer une mine de lithium dans l'Allier, où il exploite déjà du kaolin avec de très grandes ambitions, à savoir 34 000 tonnes de lithium par an.
Franceinfo : Quel est le calendrier ?
Alessandro Dazza : L'année prochaine, en 2024, les études techniques vont aboutir. Je pense avoir une usine pilote industrielle de grande taille en 2025 et, si tout va bien, démarrer la construction de l'usine des productions à partir de 2027.
Une usine construite en 2027, avec un début d'exploitation fin 2028. Y a-t-il des oppositions au niveau local, notamment concernant le risque de pollution et l'utilisation de l'eau ?
On a des oppositions plutôt limitées. On a un bon dialogue avec toutes les communautés et l'opinion publique autour de nous. On a montré qu'on peut faire une mine durable et responsable. On va être attentif, on va monitorer.
"Je pense que tout le monde reconnaît les efforts déployés par Imerys pour rendre ce projet acceptable."
Alessandro Dazzafranceinfo
L'exploitation de mine de lithium en France est un fait rare. Y a-t-il des craintes ?
Cela fait 40 ans que la France ne veut pas une mine sur le sol français. Donc il y a des challenges.
La compétition est lancée : Eramet, une autre entreprise, annonce également l'extraction de lithium en Alsace, avec cette fois-ci une filiale d'EDF. Il y a de la place pour plusieurs acteurs dans ce domaine en France ?
Absolument. On a besoin de lithium partout dans le monde, surtout en Europe. Les estimations actuelles disent qu'il y aura moins de la moitié du lithium nécessaire pour équiper toutes les voitures européennes d'ici à 2030. Si tous les projets actuels aboutissent, on n'aura que la moitié.
Y a-t-il toujours une incertitude dans ce domaine ?
Comme dans le cas d'Emili [le nom du projet dans l'Allier, NDLR], on a un projet, on a une opportunité magnifique, mais c'est trois, quatre, cinq ans pour ouvrir une mine, pour avoir tous les permis. On a un comité de débat national à venir.
L'objectif du président de la République, c'est deux millions de voitures électriques produites en France à horizon 2030. Au niveau européen : interdiction de vendre des voitures thermiques en 2035. Ce lithium que vous allez exploiter est-il destiné en priorité aux voitures électriques, plutôt qu'aux téléphones portables, par exemple ?
Du point de vue de la quantité, la réponse est clairement oui. Une voiture a une batterie de 500 kilos ou 800 kilos, un téléphone de quelques centaines de grammes. Les téléphones, ordinateurs, outils domestiques sont très importants mais du point de vue des quantités, l'utilisation de lithium va être surtout dans les voitures électriques.
Le marché du lithium est là. Vos prix à vous, avec ce lithium exploité, exploré en France, seront-ils compétitifs par rapport au lithium qui vient notamment de Chine ?
C'est une belle question. La réponse est oui. On peut faire une mine responsable, un projet responsable et compétitif. Le choix qu'on a fait, de choisir l'Europe, la France et l'Allier est certainement plus vertueux, mais aussi plus coûteux. Faire une mine entièrement souterraine, utiliser des canalisations pour transporter le train, une flotte minière entièrement électrique, ce sont des coûts bien supérieurs à la façon dont la Chine exploite le lithium aujourd'hui.
Vous n'avez donc aucune certitude que les giga-factories qui sont en train d'être construites dans le nord de la France vont acheter ce lithium ?
Je pense qu'on va acheter le lithium européen, le lithium propre, le lithium responsable avec une empreinte CO2 beaucoup plus basse que celle de la Chine.
"C'est une contradiction de développer les véhicules électriques pour lutter contre le changement climatique, et d'acheter ensuite du lithium qui n'est pas propre."
Alessandro Dazzasur franceinfo
Mais il va falloir que vous réussissiez à les convaincre. Vous savez bien que le prix de la batterie, c'est essentiel dans le prix de la voiture électrique et que si les constructeurs automobiles veulent fabriquer et vendre des voitures qui sont raisonnables, il faut que le prix du lithium le soit également.
Ce sera un arbitrage compliqué mais faisable. Sur la base des estimations que l'on a aujourd'hui, je pense que l'on peut financer ce projet et produire à des coûts acceptables pour nous, pour les constructeurs et les consommateurs.
La commission industrie du Parlement européen va voter demain un règlement sur les matériaux critiques pour renforcer justement la souveraineté de l'Union européenne en la matière. Cela peut-il permettre de vous aider face au lithium chinois ?
Ce que la Communauté européenne a lancé, le Critical Act, sur les matériaux critiques, est très important. Il n'y a pas d'argent dédié au projet-même, mais ça met en place un cadre de règles qui peut aider la phase des permis, la phase des financements, les contacts avec les clients et j'espère aussi montrer qu'une mine responsable est possible. C'est mieux de le faire en Europe, avec des règles modernes, vertueuses, plutôt que d'acheter ailleurs sans ce contrôle sur le produit qu'on importe en Europe.
Cette mine que vous allez exploiter dans l'Allier, c'est votre seul projet à court terme en France ?
C'est le plus grand, le plus important et le plus avancé. On a un deuxième projet similaire en Angleterre. On a trouvé du lithium en dessous d'une mine, d'une carrière de kaolin, comme en France où l'on extrait des magnifiques kaolins blancs dans l'Allier pour faire de la porcelaine de Limoges et en dessous, il y a du lithium. Avec l'Angleterre, je pense qui on va renforcer encore la quantité de lithium pour l'Europe.
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