Livret A "autour de 2,5%" : "C'est d'abord une baisse qui est logique", estime le directeur général de BoursoBank
Le ministre de l'Économie, Éric Lombard, a confirmé, lundi 6 janvier, que le taux du livret A, qui est aujourd'hui à 3%, allait baisser "autour de 2,5%" au mois de février, une première depuis 2020. "C'est d'abord une baisse qui est logique", estime Benoît Grisoni, directeur général de BoursoBank, (ex Boursorama Banque), la plus ancienne des banques en ligne, qui compte désormais plus de 7 millions de clients. Et, selon lui, malgré cette baisse, le livret A est "un produit qui restera attractif".
franceinfo : Comment les Français vont-ils réagir selon vous, sachant que le livret A est leur placement préféré ?
Benoît Grisoni : Je pense que c'est d'abord une baisse qui est logique. Il faut se rappeler qu'il y a eu un bouclier des 3% du livret A qui aurait dû baisser précédemment, puisque c'est lié à une formule. La rémunération du livret n'a pas été baissée de toute l'année 2024. Là, c'est un juste retour des choses. C'est-à-dire qu'avec la baisse de l'inflation, la baisse des taux courts, il est assez légitime que dans la formule, on retombe sur ce chiffre qui est de 2,5.
Pensez-vous que les Français attendaient cette baisse ?
Évidemment qu'à chaque fois, c'est difficile à expliquer. Mais je pense qu'ils peuvent le comprendre avec l'inflation qui est revenue à 2%, ou pas très loin. Sachant qu'il y a aussi un avantage fiscal sur cette rémunération, c'est très important parce que le taux avoisine plutôt les 3% si on en tient compte. Si on le compare à d'autres produits, c'est un produit sans risque et un produit liquide. C'est pour ça que les Français l'adorent, parce qu'il correspond à tous, à tous nos besoins. On a toujours besoin d'avoir une poche qui nous permet d'avoir un petit rendement sans risque.
Et donc vous pensez que les Français vont réagir comment ?
Je pense que ça ne va pas empêcher du tout la collecte, puisque, toutes choses égales par ailleurs et par rapport à d'autres produits financiers, ça reste évidemment un produit qui restera attractif.
Sachant que la période est marquée par l'incertitude. Pas encore de budget voté et la menace d'une rigueur bugétaire. La nouvelle ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a promis qu'il n'y aurait pas de hausse d'impôts pour les classes moyennes. Mais tout de même, on dit souvent que les Français, qui ont déjà le taux d'épargne le plus élevé d'Europe, remplissent le bas de laine quand ils sont inquiets. Le constatez-vous ? En ce moment, consomment-ils moins et épargnent-ils plus ?
Nous, on ne voit pas de baisse de la consommation. Par contre, ils ont épargné plus en 2024 qu'en 2023 et de manière très diversifiée. Beaucoup d'épargne réglementée, sécurisée, comme des livrets A. Beaucoup de livrets et de comptes à terme encore, puisque les rendements étaient encore intéressants, sans risque. Et ils ont aussi fait pas mal de fonds en euros dans l'assurance-vie. Et de plus en plus, et beaucoup plus que l'année dernière, en 2023, sur l'investissement, c'est-à-dire les actions, les trackers etc, et donc sur tous ces produits-là. Et donc, c'est bien sur cet ensemble-là qu'ils ont décidé d'épargner et, au global, ils ont plus épargné nettement par rapport à l'année 2023.
Donc, ils ne consomment pas plus, on ne voit pas d'incertitudes dans l'épargne des Français ?
Nous, dans nos chiffres, on ne les voit pas. Pour vous donner un exemple, on a 17 opérations par carte bancaire et par client, c'est exactement le même chiffre que l'année dernière. Donc ils ont consommé, en tout cas chez nous, exactement la même chose que l'année dernière.
BoursoBank est une filiale de la Société Générale, 100% en ligne, pas d'agence physique, pas de conseiller au bout du fil. Vous êtes rentables depuis l'an dernier. Qu'est-ce que ça signifie ? La banque digitale est-elle devenue la norme ? Les Français n'ont-ils plus besoin de conseiller bancaire ?
Non, pas forcément. Je pense qu'il y a vraiment deux types de modèles. Il y a un modèle pour des clients qui ont besoin d'être accompagnés, et pour ça, la banque de réseau avec des conseillers personnels reste un modèle important, c'est encore aujourd'hui 90% du marché bancaire. Et puis il y a aussi des Français qui sont en autonomie avec leur gestion de leur argent. Nous, on répond à cette promesse-là. Et donc en effet, dans notre modèle, il y a des conseillers quand même au téléphone par exception. On est toujours là pour aider. Évidemment qu'il faut qu'il y ait toujours des personnes pour pouvoir aider.
"On assume totalement notre modèle dont la contrepartie est très claire, c'est le pouvoir d'achat. C'est-à-dire que nous, on apporte un modèle où vous êtes autonome en tant que client, et la contrepartie, c'est que vous payez moins cher, globalement, les frais bancaires."
Benoît Grisonisur franceinfo
On a des frais bancaires annuels de moins de 10 euros par an, quand le marché est à peu près à 220 euros par an de frais bancaires. C'est logique puisqu’en fonction des modèles que vous choisissez, les coûts ne sont pas les mêmes et du coup, les prix pour les clients ne sont pas les mêmes. C'est à chacun de se déterminer par rapport à ça.
Sachant qu'il y a beaucoup de vos clients, sur les 7 millions, pour lesquels c'est la banque principale, ce n'est pas une banque d'appoint.
Pour la moitié des clients, BoursoBank est une banque principale. Sachant qu'on a recruté plus d'un million et demi de clients par an en 2022, en 2023 et en 2024. Donc on est en très forte expansion. Et pourquoi ? Parce que je pense que la question du pouvoir d'achat, la question de l'autonomie vis-à-vis de son argent sont aussi des thèmes qu'on retrouve finalement dans l'actualité et dans les attentes des Français.
Avez-vous une clientèle qui est nettement plus jeune que les banques traditionnelles ?
En gros, l'âge moyen, c'est 35 ans. Il faut savoir que sur les millions et demi de nouveaux clients par an, 60% ont moins de 30 ans et pratiquement 50% ont même moins de 25 ans. Donc on a vraiment un très fort rajeunissement chaque année. Avec évidemment, plus le Français est jeune, plus il a évidemment des besoins financiers limités. Et plus ça va, avec le temps, et plus évidemment, il a des besoins qui se sophistiquent. Et c'est là où c'est important aussi d'être une banque en ligne, mais pas que sur le compte courant, mais d'être capable d'avoir une palette d'offres qui soit plus large.
J'ai vu que vous avez énormément de services. Vous développez de nouveaux services avec une banque privée pour vos clients les plus aisés qui ont du patrimoine. On a dit que vous aviez une clientèle jeune, parfois, qui n'avait pas beaucoup d'argent, mais il y en a qui ont des moyens. Qu'est-ce qu'ils faisaient de cet argent ?
Je pense qu'avant, ils étaient dans des banques privées ou dans d'autres types de banques. Ce qu'on veut leur envoyer comme message, ce n'est pas parce qu'on a aujourd'hui principalement des clients jeunes qu'on ne peut pas aussi adresser des besoins un peu plus compliqués, un peu plus sophistiqués. On estime à 400 000 clients, sur les 7 millions, le nombre de clients qui correspondent à ce type d'offre de service, qui va permettre d'avoir des produits un peu plus compliqués, qu'on peut souscrire en ligne quand même, avec lesquels il y a la même logique d'autonomie, plus un accompagnement, quand même, un peu plus personnalisé pour eux, s'ils le décident. Et donc c'est un lancement qu'on a fait au mois de décembre et qui vient juste de démarrer.
J'imagine que le client connecté, jeune, urbain, il n'a pas besoin de vous et qu'il va aller tout seul sur internet, qu'il va investir dans les cryptos ? Qu'il va investir à l'étranger ?
Oui, c'est vrai. Et en fait aujourd'hui, plus vous avez d'information, plus vous avez des outils pour comparer, plus vous allez choisir différents services. Nous, ce qu'on voit, c'est qu'il y a une plus forte partie des investissements qui vont vers les valeurs américaines, vers les ETF, ce qu'on appelle les trackers. Par exemple Nvidia, qui est la 10e valeur la plus traitée l'année dernière. Les neuf premières sont françaises heureusement, avec évidemment les classiques valeurs bancaires du CAC40.
Ça veut dire qu'ils investissent dans des entreprises qu'ils connaissent ?
Pourquoi ils choisissent les marchés américains ? D'abord, il y a eu une performance relative des marchés américains qui est exceptionnelle l'année dernière. Donc ça explique aussi en partie ça. Ce sont des sociétés et des entreprises qu'ils connaissent, parce que ce sont celles qu'ils utilisent tous les jours. Et puis par ailleurs, l'accès à ces produits-là aussi est simplifié aujourd'hui. Vous avez beaucoup plus accès à l'information, vous participez, et nous tous, avec beaucoup d'informations autour de Tesla, de Nvidia, etc. Et donc ça participe évidemment de ce phénomène.
Avez-vous l'impression aujourd'hui que vos clients, quand ils enlèvent de l'argent, c'est pour aller investir dans les cryptos ?
On n'en fait pas nous directement. Mais on peut voir en effet que, et ça a été confirmé par des chiffres de l'OCDE qui avaient été faits aussi par l'AMF (Autorité des Marchés Financiers), qu'à peu près 10% en gros des Français utilisent, dans des proportions probablement assez faibles encore en montant, les crypto. Mais c'est un phénomène qui est tout à fait là aujourd'hui et qui est principalement d'ailleurs utilisé par les jeunes. Donc ça fait partie des phénomènes qu'on constate aussi.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.