Patrick Lagadec : face aux crues, "on peut anticiper 10% des problèmes"
Patrick Lagadec, spécialiste de la gestion de crise, était l'invité de l'interview éco, jeudi soir, alors que les crues se poursuivent en France.
Les crues se poursuivent et 13 départements restent en vigilance orange aux inondations jeudi 25 janvier. Invité de Jean Leymarie sur franceinfo, Patrick Lagadec, spécialiste de la gestion de crise, estime qu'on peut anticiper "10% du problème" et qu'on va "avoir beaucoup de surprises".
franceinfo : Si la crue devient majeure, serons-nous prêts ?
Patrick Lagadec : Nous avons beaucoup travaillé, il y a eu un exercice Sequana [en mars 2016]. Les gens, les pouvoirs publics, les grands opérateurs d'infrastructures vitales sont mobilisés, mais il faut vraiment avoir en tête ce que le conseiller de Barack Obama disait lors de l'ouragan Sandy en 2012 : "Nous sommes face à la tyrannie de la complexité". Il y a une profusion de données et en même temps une page blanche, parce qu'on a plus que de l'incertitude, on a de l'inconnu. C'est tout cela qu'il faut être capable de piloter dans une situation où l'on n'a pas forcément de repères.
Imaginons des conséquences en cascade. L'eau monte : quelles sont les conséquences possibles derrière ?
On va avoir ce qui est prévu et qui est déjà dans les cartons, ce qui a été entraîné dans des exercices. Mais on va avoir beaucoup de surprises, avec des effets domino, avec des effets éventuellement extérieurs à la région. Il faut avoir la capacité de se dire : "Je vais piloter un système instable, chaotique, pour lequel cela ne rentre pas dans mes catégories habituelles."
Peut-on tout anticiper ?
Anticiper dans un mode ancien (pour chacune de mes cases, de mes fonctions, dans l'entreprise par exemple, j'ai la réponse : oui, pour 10% du problème. Dans cette tyrannie de la complexité, ce qui va compter c'est la capacité de vision que j'ai. Où on en est ? Qu'est ce qu'on me dit sur le niveau de la situation, la mutation de la situation, les délais que j'ai ? Tout cela n'est pas écrit.
Un conseil à donner aux chefs d'entreprise qui se disent, "si l'eau monte, est-ce que je peux anticiper" ?
Je mobilise mon comité de direction, qu'il soit prêt à ce pilotage. Je clarifie les 15% de l'entreprise qui sont absolument critiques, les équipes humaines sur lequelles je dois compter pour faire de la protection, faire de la sécurité, de l'informatique. Et je mobilise les relations humaines parce que ça va être capital de tenir avec mon citoyen collaborateur qui est à l'intérieur, garder la confiance, et ajuster au maximum toutes les surprises que je vais avoir sur le plan humain. Sachant que je l'ai fait sur le plan technique.
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