Proposition de loi sur les passoires thermiques : "Le locataire pourra faire un recours contre son propriétaire pour diminuer son loyer", assure le député Bastien Marchive
Bastien Marchive, député des Deux-Sèvres (Parti radical) et Inaki Echaniz (Parti socialiste) sont les porteurs de la proposition de loi sur "la rénovation énergétique des logements", pour sécuriser la rénovation des copropriétés et prévenir les litiges.
Cette proposition veut assouplir la loi sur les passoires thermiques, ou plus précisément le calendrier des interdictions de location des appartements classés G. Elle a reçu le plein soutien de la ministre du Logement, Valérie Létard.
franceinfo : Le couperet va tomber le 1er janvier, dans un mois et demi : on ne pourra plus louer ces logements mal isolés. Mais vous, vous dites qu'on le pourra encore, grâce à votre texte. Pourquoi ? C'est le marché de la location qui l'exige ?
Bastien Marchive : Il faut se rappeler pourquoi cette disposition a été prise, cette interdiction de location qui entre en vigueur de manière progressive. Aujourd'hui, le bâtiment, c'est 18% des émissions de gaz à effet de serre. L'année dernière, ces émissions ont baissé de 9%. Cela veut donc dire que la rénovation aujourd'hui, sur le plan énergétique et en particulier du logement, est en marche dans notre pays. Il ne s'agit surtout pas de la freiner. Face à cela et à l'adoption de la loi climat, il y a eu une forme de surinterprétation du calendrier évoqué, avec un impact qu'on a pu craindre sur le marché de la location. Il nous semble donc important de clarifier cette surinterprétation : l'interdiction de louer n'est pas absolue. Dans les faits, quand on regarde véritablement ce qui est inscrit dans la loi climat, si l'obligation de décence énergétique n'est pas respectée, le locataire peut lancer un recours contre son propriétaire pour diminuer le montant du loyer. Dans les cas les plus extrêmes, le juge peut ordonner des travaux s'il l'estime nécessaire.
"En aucun cas, il n'y a d'interdiction absolue de location et en aucun cas, il n'y a de retrait du marché de ces logements classés G."
Bastien Marchive, député des Deux-Sèvresà franceinfo
C'est important de venir clarifier et de préciser quand et comment ça s'applique.
Combien de logements sont potentiellement concernés ?
250 000 logements en copropriété, classés G, sont aujourd'hui mis à la location. Si on compte les logements hors copropriété, c'est plus de 700 000 logements qui seront interdits à la location au 1er janvier 2025. C'est absolument significatif.
Il y a une urgence, parce que la mesure prend effet dans un mois et demi. C'est le nouveau gouvernement qui vous a soufflé cette idée ?
Pour être tout à fait exact, le texte était déjà prévu en juin dernier, avant la dissolution de l'Assemblée nationale, à l'initiative d'un de mes anciens collègues, Guillaume Vuilletet. Le texte doit permettre de répondre à un certain nombre d'insécurités juridiques qui peuvent planer et qui fragilisaient à la fois les propriétaires mais aussi les locataires.
Concrètement, quelles sont les nouvelles échéances pour les propriétaires de locations classées G ?
On ne touche pas au calendrier général. Ce qui veut dire qu'au 1er janvier 2025, les logements classés G, donc qualifiés d'indécents sur le plan énergétique, devront être rénovés. En 2028, ce sera les logements classés F et en 2031, les logements classés E.
Mais votre texte alors, qu'assouplit-il ?
Le texte vient dire que cette interdiction de location s'applique pour les nouveaux contrats. Ce qui veut dire qu'un locataire qui est déjà dans un logement classé G au 1er janvier 2025 pourra rester dans le logement, si le contrat est en cours, a été tacitement reconduit ou renouvelé.
"On ne met personne dehors. Et l'interdiction de location, ça s'applique seulement lorsque le propriétaire n'a pas été diligent."
Bastien Marchive, député des Deux-Sèvresà franceinfo
Un propriétaire qui aura tout fait pour lancer ses travaux mais qui se sera heurté à des contraintes juridiques, des contraintes techniques, un refus de l'assemblée générale de copropriété, un locataire qui ne veut pas de travaux, ou lorsque les travaux seront en cours, dans ces cas-là, on n'applique pas l'interdiction de location.
Et donc, qu'est-ce qu'on applique ?
Ce qu'on applique dans ce cas, c'est la possibilité, pour le locataire - s'il estime que le propriétaire n'aura pas fait tout ce qu'il avait pu pour mettre en conformité son logement - d'aller devant le juge et le juge tiendra compte de la diligence du propriétaire pour diminuer ou non le montant du loyer à hauteur maximum du montant de ses charges.
C'est tout de même compliqué pour les locataires des appartements classés G, qui vont encore avoir froid cet hiver, avoir trop chaud l'été prochain. Que leur dites-vous ?
Ce texte, justement, vient tenir compte de leur situation. Il crée véritablement une obligation de décence énergétique et leur donne la possibilité, en plus de ce qui existe déjà en cas d'indécence d'un logement, de se retourner contre un propriétaire qui n'aurait pas été diligent. Le juge peut ordonner une indemnisation de ce surcoût qui incombe, malheureusement, au locataire sur sa facture. Cette proposition de loi, c'est à la fois un enjeu social pour mieux protéger les locataires, et aussi un enjeu de valorisation du foncier, puisque les propriétaires ont tout intérêt à rénover leurs logements.
Mais ils ne le font pas forcément. En pleine COP29, tant pis, on laisse filer les émissions de gaz à effet de serre, on recule encore un peu ?
Non, c'est hors de question. Et c'est justement ce qu'on vient de dire. On ne souhaite pas revenir sur le calendrier qui a été fixé en 2021, les propriétaires ont eu quatre ans.
Mais qu'est-ce qu'ils ont fait pendant quatre ans ?
Beaucoup ont fait des travaux de rénovation quand même, notamment grâce à des dispositifs tels que MaPrimeRénov' ou les OPAH (les opérations programmées d'amélioration de l'habitat) qui existaient déjà - et qui permettent à ces propriétaires d'avoir une aide financière de la part de l'État pour réaliser ces travaux et améliorer les conditions de vie des locataires. Et c'est bien aussi l'objet. Lorsqu'ils ne l'ont pas fait, ce qu'on dit, c'est : soit ils ne l'ont pas fait parce qu'ils ont eu des contraintes face auxquelles malheureusement il faut du temps pour trouver les solutions, auquel cas on est tolérant et on continue de les accompagner ; soit c'est de leur fait et on reste intangible.
Cette proposition va-t-elle aboutir, allez-vous y arriver en un mois et demi ?
On fait tout pour. On a commencé à travailler avec le groupe politique. On a des auditions dès la semaine prochaine et un examen en commission des affaires économiques la semaine suivante.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.