Soldes d'hiver : "Les clientes n'attendent plus les soldes pour faire de bonnes affaires", analyse le PDG de Promod

"Aujourd'hui, toutes les enseignes proposent des rabais saupoudrés tout au long de la saison. Donc il y a moins cette attente particulière pour le premier jour des soldes", explique, mercredi, Julien Pollet, le PDG de Promod.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 9min
Julien Pollet, PDG de Promod, le 8  janvier 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Les clientes n'attendent plus les soldes pour faire de bonnes affaires", analyse, mercredi 8 janvier, Julien Pollet, le PDG de Promod, alors que les soldes d'hiver 2025 ont commencé le jour même à 8h dans la majorité des départements métropolitains et prendront fin le mardi 4 février. "Aujourd'hui, toutes les enseignes proposent des rabais un petit peu saupoudrés tout au long de la saison. Donc, il y a moins cette attente particulière pour le premier jour des soldes", poursuit-il.

Lui qui a pris en 2018 la tête de l'entreprise familiale, créée par son grand-père en 1975 à Marcq-en-Barœul, près de Lille, l'assure : "Chez Promod, on s'organise pour être le moins dépendant possible des soldes".

franceinfo : Aujourd'hui, c'est le premier jour des soldes d'hiver. Est-ce toujours un moment important dans l'année ?

Julien Pollet : C'est toujours un moment important. Ça l'est de moins en moins, force est de constater. Et en tout cas, chez Promod, on s'est mis en ordre de marche pour que ça le soit de moins en moins et on attaque les soldes avec toujours un peu moins de stock.

Les clients ne se déplacent-ils plus dans les magasins physiques pour faire des bonnes affaires ?

Je pense que les clientes n'attendent plus les soldes pour faire de bonnes affaires. Aujourd'hui, toutes les enseignes proposent des rabais un petit peu saupoudrés tout au long de la saison. Donc il y a moins cette attente particulière pour le premier jour des soldes. Il y a un appétit de consommation du textile qui est aussi un peu moins fort qu'avant. Et malheureusement, la crise que traverse le secteur depuis quelques années en est un des symptômes.

Selon la dernière enquête de l'Alliance du commerce, qui a interrogé une soixantaine de grandes enseignes, les commerçants sont optimistes concernant ces soldes, notamment parce que la fin d'année a été réussie : + 2,6% du chiffre d'affaires en décembre 2024 par rapport à la même période l'an dernier. Donc, d'après cette enquête, ça va quand même un peu mieux.

Ça va un peu mieux, mais là, je faisais un comparatif par rapport à l'historique qui était vraiment très fort. Aujourd'hui, les clientes cherchent la bonne affaire, le bon produit. Je pense que c'est fini cette ère de "juste je cherche une bonne affaire et j'achète un produit parce qu'il n'est pas cher". Non, elle achète un produit d'abord qui lui plaît, qu'elle va pouvoir porter tout de suite. Et en plus, s'il y a une bonne affaire à faire, elle le fera.

Une partie des commerçants trouvent que les soldes arrivent trop tôt, car pour eux, c'est avant tout un moyen de déstocker avant d'accueillir la collection suivante. Est-ce votre cas ?

Oui, effectivement. Nous, on pense que c'est un peu dommage de tout concentrer à ce moment-là. Les mois d'hiver ne sont pas finis en janvier. Maintenant, aujourd'hui, comme je vous le disais, chez Promod, on s'organise pour être le moins dépendant possible des soldes.

Donc vous ne déstockez plus au moment des soldes.

Ou en tout cas beaucoup moins.

Donc vous n'allez pas demander que les soldes commencent plus tard, puisque de toute façon, vous ne comptez plus dessus.

Nous, notre ambition, la stratégie, c'est que d'ici quelques années, je ne sais pas exactement à quel horizon, nous ne fassions plus les soldes. Qu'on ait plus besoin de déstocker massivement à un moment et c'est déjà le cas.

"Là, cette année, on attaque les soldes d'hiver avec 22% de stock en moins par rapport à il y a deux ans par exemple. Donc, aujourd'hui, on a moins besoin de déstocker, donc on fait des promotions moins importantes pendant les soldes, c'est-à-dire que c'est fini le -50 ou -70% dès le début des soldes."

Julien Pollet

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Ça signifie que vous faites moins de stocks au départ, pour avoir moins besoin de déstocker, parce que les habitudes des clientes ont changé.

Exactement. Et chez Promod, on s'est mis dans une démarche de faire moins, mieux et plus durable. Déjà depuis plusieurs années, ça fait six ans qu'on travaille sur ce projet-là.

Depuis que vous êtes à la tête de Promod...

L'idée est de piloter nos quantités au plus juste avec des collections plus désirables pour que les clientes, quand elles viennent en cours de saison en magasin et qu'un produit leur plait, il faut qu'elles le prennent tout de suite parce qu'on ose la rupture. Et si elles le prennent pas tout de suite, elles risquent de ne pas l'avoir du tout.

C'est pour ça qu'aujourd'hui vous faites partie des seules entreprises françaises de textile restantes. Parce que vous avez justement changé votre organisation, votre façon de fabriquer pour vous adapter aux demandes des clients.

Oui, je pense qu'on a réussi chez Promod à recréer une aspérité, c'est-à-dire qu'on est sorti uniquement du système de distribution textile, comme beaucoup de mes confrères et concurrents au début des années 2000, qui ont beaucoup misé sur le volume. Aujourd'hui, on est très concurrencés sur le prix, avec de nouveaux acteurs internationaux qui arrivent avec des prix extrêmement bas.

Notamment les chinois Temu et Shein... ?

Chez Promod, on a pris un parti un peu différent de dire qu'on va travailler plutôt sur le style du produit, sur la qualité, sur un bon rapport qualité-prix et sur du service en magasin. Parce qu'on est un distributeur avec 400 magasins.

Dans l'imaginaire collectif, peut-être des générations précédentes, Promod, c'est plutôt du petit prix. Et aujourd'hui, c'est peut-être moins le cas. Vous avez 400 magasins, j'ai un chiffre d'affaires qui a progressé de plus de 12% en six mois, avec des ventes qui ont augmenté dans le même temps de seulement 4%. Ça veut donc dire aujourd'hui que vous avez augmenté les prix ?

On est capable de vendre plus de produits plus chers. C'est plutôt ça que ça veut dire. C'est-à-dire qu'on a toujours des prix d'appel et des petits prix chez Promod, il existe des tee-shirts basiques autour de 7, 8, 9 euros.

Il faut que Promod reste Promod.

Voilà, il faut que Promod reste accessible et c'est bien notre ambition. En revanche, nos clientes nous font de plus en plus confiance sur des produits à plus forte valeur ajoutée. Des robes à 50, 60, 80 euros, ce qu'on n'était pas capable de vendre avant.

Est-ce une façon pour vous d'éviter le marasme que connaît le textile français ? On a vu énormément d'enseignes se restructurer Naf Naf, Camaïeu, ou fermer carrément, comme Esprit.

Je pense que cette stratégie du moins, mieux et plus durable, nous a invités à être beaucoup plus précis sur qui on était, notre identité style et donc à travailler énormément dessus, sur la qualité de nos produits aussi. C'est ça qu'on a voulu mettre en avant.

Vous êtes monté en gamme en termes de qualité ?

Oui, tout à fait. C'est-à-dire que si nos prix ont augmenté un petit peu, notre qualité a augmenté dans le même temps, voire même un peu plus que le prix. Ce qu'on a fait aussi pour pouvoir "se payer ça", c'est qu'on a aussi beaucoup joué sur la promotion. On fait beaucoup moins de promotions qu'avant. L'idée d'avoir la juste quantité pour ne pas avoir à faire des rabais, pour liquider nos stocks. Et donc on a réussi en trois ans à baisser de deux points notre taux de promotion moyen. Et donc, le prix facial du produit n'est pas beaucoup plus cher, mais comme on accorde moins de promotions à nos clientes, et bien au final, le prix de sortie est plus cher et surtout la marge est bien meilleure.

Le marasme qu'a connu le monde du textile français, notamment, pensez-vous aujourd'hui qu'il est derrière nous, ou êtes-vous assez fébriles quand vous regardez la suite ?

Non, je pense que rien n'est gagné. Effectivement, il y a eu une forme de restructuration de notre marché avec beaucoup d'acteurs qui ont disparu.

"Rien n'est gagné parce que c'est un marché qui reste très concurrencé et donc c'est vraiment à chacun de trouver son identité, de trouver son style et de le défendre au mieux pour que les clientes fassent le choix de telle enseigne ou telle autre."

Julien Pollet

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C'est là-dessus qu'on a voulu se battre chez Promod. C'est-à-dire qu'un pantalon noir, tout le monde peut l'acheter n'importe où. En revanche, chez nous, on va essayer d'avoir le pantalon noir qui a le petit détail qui va bien, mais aussi que tout le reste de la collection fasse que même ce basique-là, on vient l'acheter chez nous.

Qui sont vos concurrents aujourd'hui ?

Nos concurrents restent les grands internationaux Zara, Mango, H&M, mais aussi des enseignes comme Cache Cache, du groupe Beaumanoir notamment.

Quelles sont vos perspectives pour 2025 ?

On est confiants. On attaque cette nouvelle saison avec effectivement ces soldes qui sont moins importantes que l'année dernière, mais avec une nouvelle collection qui démarre déjà très bien. Et puis on va continuer à écouter nos clientes, à être au service de leurs désirs et aussi à être à leur service dans nos magasins avec un personnel en magasin qui est très à l'écoute des clientes.

Donc en restant extrêmement raisonnable : pas de nouveaux magasins, pas de perspectives d'ouvertures...

Non, pour l'instant, nos relais de croissance, c'est d'ouvrir notre grille de tailles. On s'adresse désormais plus aux petites tailles et aux plus grandes tailles. Et puis on commence à réouvrir un petit peu quelques magasins à l'international.

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