Stabilité du chômage au premier trimestre 2024 : "C'est plutôt une résilience du marché du travail, compte tenu du fort ralentissement de l'activité", selon Vladimir Passeron de l'INSEE

D'après les chiffres publiés vendredi par l'Insee, le chômage reste stable pour le premier trimestre 2024, autour de 7,5%. Les prévisionnistes s'attendaient à une hausse, mais le taux d'emploi résiste. Vladimir Passeron, chef du département de l'Emploi et des revenus d'activité à l'Insee, est l'invité de franceinfo.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Vladimir Passeron, chef du département de l'Emploi et des revenus d'activité à l'Insee. (RADIOFRANCE)

Le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT) reste stable à 7,5% au premier trimestre, d'après les notes publiées par l'Insee vendredi 17 mai. S'il est stable à 5,1% pour les plus de 50 ans, on observe un très léger repli (-0,2%) pour les 25-49 ans, qui connaissent un taux de chômage à 6,8%. En revanche, le taux de chômage des jeunes reste un point noir du marché du travail français, avec une hausse de 0,6 point qui porte le taux à 18,1%.

franceinfo : cette stabilité globale est une relative bonne nouvelle, mais en comparant avec le premier trimestre 2023, il y a tout de même une hausse générale du chômage ?

Vladimir Passeron : Oui, quand on regarde sur un an, le taux de chômage se situe à 0,4 point au-dessus de son niveau du premier trimestre 2023, qui était le plus bas depuis 1982.

"Sur les 40 dernières années, on avait atteint ce plus bas niveau au quatrième trimestre 2022 et au premier trimestre 2023. Et puis ça a lentement repris à la hausse depuis sur un an."

Vladimir Passeron

à franceinfo

Donc globalement, c'est plutôt une résilience du marché du travail, compte tenu du fort ralentissement de l'activité qu'on constate par ailleurs.

On est toujours dans une situation de ralentissement du marché du travail ?

C'est notre diagnostic principal, si on regarde les différentes données qu'on a publiées récemment. On a un emploi qui augmente encore un peu, mais pas aussi fort que sur les années précédentes. Et puis on a ce taux de chômage qui a augmenté, même si sur le trimestre il est quasi stable.

Si on regarde les catégories d'âge, les 15-24 ans sont un peu plus touchés, mais notre métrique principale c'est par rapport à l'avant crise. Et donc par rapport à fin 2019, on a toujours un taux de chômage des jeunes qui est beaucoup plus bas. Donc pas d'alerte particulière sur les jeunes. On reste globalement sur des séries plutôt bien orientées, même si c'est un taux de chômage qui est bien plus élevé que les autres.

Une bonne nouvelle, dans notre batterie d'indicateurs que nous avons publiés vendredi matin, concerne le taux d'emploi. Sur une population donnée, la population résidente en France, on va regarder le nombre de personnes qui sont en emploi et on rapporte ça au nombre de personnes qui résident. Et donc on peut comparer le taux d'emploi des jeunes, le taux d'emploi des classes d'âge intermédiaire et le taux d'emploi des seniors. Et quand on regarde le taux d'emploi des 15-64 ans, il y a un niveau historique depuis que nous le mesurons à l'Insee, c'est-à-dire depuis 1975.

Pour les seniors, comment ça s'explique, ce sont les réformes, le recul de l'âge de départ à la retraite, ou il y a autre chose ?

C'est très clairement l'effet des réformes successives. On était sur une tendance haussière avant la réforme de 2023. Puis la réforme 2023, qui est mise en œuvre à partir de septembre, a un effet net également sur la hausse du taux d'emploi. On parle aussi du taux d'activité. Si on prend toutes les personnes qui sont à la fois en emploi et qui sont actives à la recherche d'un emploi, c'est-à-dire au chômage, le taux d'activité et le taux d'emploi des seniors atteignent un nouveau niveau historique, le plus haut depuis 50 ans.

Il y a une autre donnée dont on parle souvent, c'est celle du halo autour du chômage. Est-ce qu'on peut repréciser ce que c'est ?

Il s'agit des personnes qui sont proches du chômage, mais pas tout à fait. Ce sont des personnes qui sont sans emploi mais qui ne remplissent pas tous les autres critères, de recherche effective d'emploi ou des critères de disponibilité d'emploi. Donc ce sont des personnes qu'on considère comme inactives au sens du Bureau international du travail, mais qui sont très proches du chômage. On dit à la frontière du chômage, ou le halo autour du chômage.

On suit depuis des décennies également cet indicateur, pour être sûr que quand il y a une évolution forte du chômage, ce n'est pas une évolution en contrepartie qui se passe sur le halo. On surveille comme le lait sur le feu, l'évolution du halo autour du chômage chaque trimestre. Et sur ce trimestre, la part de halo autour du chômage dans la population baisse aussi, et elle baisse aussi sur une année. Donc c'est plutôt un indicateur favorablement orienté, si on cumule halo et chômage.

Est-ce que vous avez aussi des indicateurs sur le chômage longue durée ?

Alors c'est un autre indicateur qu'on regarde, parce qu'effectivement, c'est différent quand on est dans des transitions entre l'emploi et le chômage et quand on est dans le chômage longue durée, c'est-à-dire depuis plus d'un an. Et là également, on est sur une évolution globalement favorable, où c'est stable sur le trimestre.

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