Xavier Duportet (Eligo Bioscience) : "Nous développons une nouvelle génération d’antibiotiques"
Xavier Duportet, fondateur et président d’Eligo Bioscience, était l'invité de "L'interview éco" vendredi sur franceinfo.
Xavier Duportet, 30 ans, chercheur et chef d'entreprise, était l'invité de "L'interview éco" vendredi 4 mai, alors que le Premier ministre a annoncé la veille plusieurs mesures pour soutenir l'innovation. Avec sa société Eligo Bioscience, créée il y a 4 ans et qui compte une vingtaine de salariés à Paris, Xavier Duportet prépare les antibiotiques du futur.
franceinfo : Que faites-vous avec votre PME ?
Xavier Duportet : Nous développons une nouvelle génération d'antibiotiques, qu'on appelle les "eligobiotiques", du latin eligere ("choisir", "sélectionner"). Les antibiotiques, comme on les connaît aujourd'hui, ont un effet sur les mauvais bactéries qui causent les infections, mais aussi sur toutes les bonnes bactéries (on en a plus de 10 trilliards dans notre corps : dans notre intestin, sur la peau, dans les poumons...). Notre "eligobiotique" est une petite molécule qui agit comme un ciseau qui va découper le code génétique de toutes les mauvaises bactéries, pathogènes, et va préserver le reste de notre microbiome, les bonnes bactéries qui sont essentielles à la santé (...) Aujourd'hui, on se rend compte qu'il y a de plus en plus de bactéries qui deviennent résistantes aux traitements antibiotiques actuels, ce qui devient vraiment grave.
Où en êtes-vous ?
On a lancé la société il y a 4 ans, avec mon ami et associé David Bikard (...) Pendant les 4 dernières années, on a montré petit à petit que cette technologique marchait aussi dans le vivant, dans des animaux, chez les souris. La prochaine étape, c'est de tester cette technologie chez l'homme. Si les essais cliniques commencent dans deux ans, en 2020, on devrait pouvoir espérer commercialiser notre "eligobiotique" entre deux et quatre ans après le début des essais cliniques, s'ils sont positifs.
Vous êtes un biologiste reconnu et vous avez été plusieurs fois récompensé, vous auriez pu travailler dans un laboratoire... Pourquoi avez-vous décidé de créer une entreprise ?
Dans les laboratoires académiques, on fait de très belles découvertes, mais aujourd'hui, pour transformer une découverte en une innovation, en un véritable produit qui peut répondre à un problème, il faut passer par un développement clinique qui nécessite beaucoup de financements. Dans une société, on fait un produit qui répond à un problème. Dans un laboratoire académique, on s'intéresse souvent à la compréhension des mécanismes de la biologie. Du coup, les buts entre la recherche dans un laboratoire académique et une entreprise ne sont pas les mêmes.
Quelle est votre ambition : faire fortune ou faire une immense découverte ?
Je pense que les deux ne sont pas opposés. On a créé la société parce qu'on pense pourvoir répondre à un vrai problème de société. Si on répond à ce problème, on va créer de la valeur pour la société, mais aussi pour nous et nos actionnaires. Je pense que la valeur d'un produit issu de la recherche peut et doit rémunérer les gens qui ont pris le risque de sortir de la recherche académique pour prendre la voie de l'entreprenariat et créer une société. Quand on développe une société dans la "Deep Tech", avec une très forte composante technologique ou scientifique d'ingénierie, les chances d'y arriver, d'avoir un produit sur le marché, sont extrêmement faibles (...) On a 95% de chances que ça rate (...) Ça nécessite beaucoup d'argent pour y arriver, mais aussi beaucoup de temps.
Il y a encore quelques mois, vous avez levé 20 millions de dollars. Qui sont ces investisseurs et qu'est ce qui les convainc ?
Ce sont des investisseurs privés. On a eu la chance d'avoir un fonds d'investissement, Seventure, qui a mis 2,5 millions d'euros il y a 3 ans, qui a vraiment cru au potentiel de la technologie. Récemment, on a été convaincre un gros fonds d'investissement américain, Khosla Ventures, qui a investi pour la première fois en France, aux côtés de Seventure qui a suivi pendant ce tour de financement. Ce qu'ils voient dans le projet, c'est le potentiel (...) Ces 10 trilliards de bactéries qui nous habitent sont responsables de bien d'autres maladies liées aux cancers, à l'obésité, aux maladies auto-immunes. On peut aussi, avec notre technologie, peut-être, développer des produits pour répondre à ces problèmes.
Édouard Philippe vient d'annoncer quelques mesures pour soutenir des entreprises comme la vôtre. Quelle est la mesure la plus importante ?
On était aux États-Unis, on a décidé de revenir en France parce que c'est un terreau très fertile pour pas mal de choses, y compris fiscalement. Quand on se lance dans une boîte avec beaucoup de R&D [recherche et développement], le crédit d'impôt recherche ou le statut "jeune docteur" (qui finance des personnes qui viennent d'avoir un doctorat, qui les rembourse pendant deux ans) donnent un vrai coup d'accélérateur au début de la société (...) Le gouvernement doit aider, mais dans une certaine mesure : il ne faut pas que les boîtes soient perfusées par le gouvernement. Le gouvernement doit être là au début et ensuite avec des législations sur, justement, les accès aux marchés etc., faciliter les choses.
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