La majorité va droit dans le mur, en accélérant
Droit dans le mur.
Vous vous rappelez ce qu'a dit le
chef de l'Etat en Conseil des ministres, il y a quinze jours à peine, après la
polémique sur les Roms: "C'est la dernière fois ". Cette fois c'est plus
grave : ce n'est plus la seule Cécile Duflot, mais une grande partie de la
famille de gauche qui tire à vue sur le ministre de l'Intérieur, le rendant
responsable de l'expulsion de Leonarda et de sa famille vers le Kosovo. Le
Parti de Gauche réclame sa démission. C'est un peu comme si les digues avaient
lâché.
Et il l'est, responsable ?
Tout d'abord, un mot sur
l'expulsion : même si sa légalité est confirmée par l'enquête en cours, la
mesure a quelque chose de dérangeant. Sur la forme : une interpellation pendant
une sortie scolaire. Et sur le fond : une famille entrée irrégulièrement
sur le territoire il y a presque cinq ans, et qui demande à s'intégrer. De quoi
heurter ces valeurs de la gauche, soulignées par Claude Bartolone, qui redoute
que sa famille politique n'y perde son âme. Mais jusqu'à preuve du contraire,
Manuel Valls n'était pas assis dans la voiture de police quand la jeune fille a
été cueillie à la descente du bus. Et la
faute du ministre, qui a suscité un tel déchainement contre lui, est de ne pas
avoir trouvé les mots justes quand il a été interviewé sur cette affaire.
Manuel Valls s'est montré froid, administratif, sans une parole d'humanité ou
de compassion. "Zéro empathie, Manuel a pêché par là où d'habitude il
excelle, la communication ", commente un leader de la majorité. Ce n'est
que depuis la Martinique ce matin qu'il rappelle son appartenance à la gauche
et aux socialistes. Mais le mal est fait.
Une partie du PS se déchaine
contre lui. C'est la curée ?
Avec des mots qui dépassent leurs
auteurs, celui de "rafle" a été lâché dans les rangs socialistes,
ce qui a choqué la place Beauvau, et il y a de quoi. L'interview de Leonarda,
passée en boucle sur toutes les chaines de télé, qui ont en revendiqué
l'exclusivité, n'a fait qu'attiser les flammes. Vincent Peillon, furieux, qui
ne voulait pas rester sans réaction, n'a fait qu'exprimer ses convictions à la
sortie du conseil. Le vrai tacle est venu d'Harlem Désir, qui a exigé que la
jeune fille revienne dans sa classe. Une déclaration sur ordre de l'Elysée,
selon un responsable du PS, c'est à ne rien y comprendre. Le coup de grâce est
venu de Jean-Marc Ayrault, avec son annonce à l'Assemblée nationale, sur une
éventuelle annulation de l'arrêté de reconduite
à la frontière, "s'il y a eu faute". Un soutien de Valls constate :
"Trop content de nous marcher sur la tête. Tout le monde veut dézinguer Manuel,
y compris Matignon".
Il peut claquer la porte du gouvernement ?
"Un jour, il va peut-être
leur dire à tous : vous m'emmerdez, je pars, et là, ils vont ramer ",
menace ce même soutien de Manuel Valls. François Hollande, lui, se donne encore
du temps. Le président assiste impuissant aux inéluctables déchirements de sa
majorité. Mais que peut-il faire d'autre ? Sanctionner un ministre trois
fois plus populaire que lui, et avec lequel il est en phase. Ou utiliser l'arme
du remaniement, cette cartouche qu'il ne peut pas brûler avant les municipales.
Nous sommes au cœur du malentendu de la
primaire socialiste : François Hollande a été choisi par un PS bien plus à
gauche que lui. Sans une reprise en main musclée, il y aura d'autres poussées
de fièvre. La majorité va droit dans le mur, en accélérant.
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