Le gouvernement veut légiférer par ordonnances... en matière d'urbanisme
D'abord, légiférer par
ordonnance, cela permet au gouvernement de fabriquer ou de modifier une loi
sans passer par le parlement. C'est-à-dire, sans passer par ce long travail des
députés et des sénateurs, par la préparation, par le temps du débat puis les allers
– retours entre les deux assemblées.
En général, il faut compter
plusieurs mois avant qu'un texte ne soit adopté entre sa présentation en
Conseil des ministres et son entrée en application. Les ordonnances, cela
permet aussi au gouvernement de faire une réforme et de lafaire ratifier après coup, par le Parlement. Et c'est du temps de gagné.
Aller plus vite face à la crise
Si François Hollande veut y
avoir recours, c'est que le chef de l'Etat a dénoncé, il y a deux jours à Dijon,
les blocages et les lourdeurs administratives qui freinent, selon lui, la
reprise de la croissance et, par là-même, la baisse du chômage. Sa volonté
affichée, c'est donc d'aller plus vite face à la crise puisque le pays ne peut
pas attendre.
Concernant les décisions que
le gouvernement pourrait ainsi prendre sans débat au Parlement, hier, ce même
gouvernement était un peu embarrassé. Les députés aussi... De Matignon aux
couloirs de l'Assemblée nationale, il y a eu un petit flottement. La porte-parole
Najat Vallaud-Belkacem n'était d'ailleurs pas extrêmement précise : "tout
ce que nous réussissons à faire passer par la voie normale est bien venu, mais
cela n'exclue pas d'utiliser l'ordonnance" .
A l'Assemblée nationale, tout
le monde a quand même été un peu pris de court...
Dans les rangs socialistes, du
patron des députés PS Bruno Leroux, "il y a des sujets pour lesquels le
débat parlementaire doit être réduit" , de François Brottes, le président
de la commission des affaires économiques, "les parlementaires ne sont pas
des fanatiques des ordonnances" , et du député Olivier Faure, "les
sujets techniques oui, les sujets politiques, non!"
Alors le gouvernement a mis à
peu prés toute la journée avant de devenir un petit peu plus clair et d'être
capable de dire précisément sur quoi il comptait utiliser les ordonnances. Le
ministre des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, s'en est expliqué :
"ce n'est pas un changement dans la pratique du pouvoir. Elle porte donc
sur un seul sujet, la norme en matière d'urbanisme".
Par exemple, pour être un
peu concret, les recours contre un permis de construire pourraient-être réduits. Mais
cela prendra quand même un peu de temps puisque, pour légiférer par ordonnance,
il faut une autorisation du parlement. Le gouvernement compte donc prendre les
premières mesures, sans débat, dès le mois de juin.
"La réalité, c'est la peur de
ne pas avoir la majorité pour faire voter ses textes"
En réaction, l'opposition
hurle au déni de démocratie. Le député UMP Pierre Lellouche se demande si
François Hollande ne devrait pas faire comme Hugo Chavez, l'ancien dirigeant
vénézuélien, et se passer de parlement pour aller tous les dimanches pendant 3
heures à la télévision afin d'expliquer sa politique. Un peu moins dans l'excès, mais
très énervé quand même, le patron des députés UMP, Christian Jacob, fait une
analyse très politique de cette décision : "La réalité, c'est la peur de
ne pas avoir la majorité pour faire voter ses textes" .
La droite sait pourtant de
quoi elle parle quand elle parle d'ordonnance puisqu'elle n'en garde pas que de
bons souvenirs. En 1986, Jacques Chirac, alors Premier ministre,
avait voulu privatiser par ordonnance. En pleine cohabitation, François
Mitterrand avait refusé de les signer. Plus récemment, soit en 2005,
Dominique de Villepin avait fait passer son contrat "nouvelle-embauche" par
ordonnance avec des suites politiques désastreuses. Moralité : même avec une
bonne ordonnance, on ne va pas forcément mieux, après.
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