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Marine le Pen sort un carton jaune contre son père

Marine le Pen parle de "faute politique" de la part de son père. Une première au Front national. Mais peut mieux faire.
Article rédigé par Jean-François Achilli
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (© RF)

 

 

"Le roi d’Espagne a bien abdiqué, qu’il s’en aille lui aussi !"

Ce propos entendu hier n’émane pas d’un jeune cadre du Rassemblement Bleue Marine, mais d’un ancien compagnon du président-fondateur, qui n’en peut plus de ses dérapages antisémites répétés.

Parce que c’est bien de cela dont il s’agit, sans ambiguïté. Le vieux loup, qui manie la langue comme personne, sait pertinemment que ses mots choisis vont choquer : la "fournée" à propos de Patrick Bruel est une déclinaison lointaine du "Durafour crématoire" d’il y a 26 ans, expression qui a traversé le temps et colle à la peau d’un FN que sa nouvelle présidente veut "dédiaboliser". Un verbe qui semble avoir été créé pour cette opération politique entreprise par Marine le Pen, que son père Jean-Marie démonte à coup de provocations, en dépit des succès électoraux de sa fille.

Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire du PS, a raison de souligner que la présidente du FN parle de "faute" sans condamner explicitement. Marine le Pen s’y refuse, en évoquant une "interprétation malveillante" de ce que son père a dit, tout en rappelant dans la foulée que le Front national condamnait sans équivoque toute forme d’antisémitisme, de quelque nature que ce soit . Ceci validant cela.

Comme il est dur de tuer le père. Mais il faut bien comprendre que dans cette relation complexe où la politique se conjugue avec la famille, la patronne du FN a indéniablement franchi un pas.

Quels peuvent être les dégâts pour elle ?

Il peut y avoir de la casse, tout d’abord en termes d’image : "Cela va abimer notre victoire aux européennes", s’inquiète une figure frontiste. Il ne faut pas oublier que le parti est passé à deux doigts de la catastrophe lors du meeting de Marseille, quand Jean-Marie le Pen a martelé que "Mgr Ebola pouvait régler en trois mois les problèmes d’immigration". L’affaire Bygmalion a détourné alors l’attention des médias. Il y a également la difficulté pour Marine le Pen à constituer un groupe au parlement européen,  elle qui refuse certains partenaires jugés infréquentables. La "fournée" devrait conforter Nigel Farage, le leader britannique du pari Ukip, opposé à toute alliance avec ce Front national français qu’il juge décidément trop antisémite.

Jean-Marie le Pen peut-il rester ?

Des voix s’élèvent déjà dans les rangs frontistes, Louis Aliot ou Gilbert Collard, pour exprimer leur ras-le-bol de ce président d’honneur qui a fait son temps à leurs yeux.

Jean-Marie le Pen ne donne pas l’impression de vouloir démissionner de son mandat d’eurodéputé. Mais ça va tanguer dans la famille dans les prochains jours.

"Ce n’est qu’un vieil anar qui nous fout tout en l’air à chaque fois", analyse ce proche de la famille le Pen, qui ajoute : "Le problème est que dans vingt ans, on parlera encore du détail aux enfants de Marion Maréchal". Marine le Pen a franchi une étape en pointant publiquement la "faute" du père. Il lui reste le plus dur à accomplir : le mettre à la retraite.

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